Il faut pouvoir imaginer des gays iraniens, russes, tchétchènes, marocains, du Wyoming ou du Colorado (liste non exhaustive) tombant sur Love, Simon et découvrant un film qui prêche la différence, invite à l’ouverture d’esprit et célèbre l’homosexualité comme dans n’importe quelle autre comédie romantique mainstream (hétérosexuelle donc) avec, en point d’orgue, deux garçons s’embrassant sous les vivats de la foule. Le contraste avec la réalité doit, pour ces gays rejetés, traqués ou tués, être d’une ironie cruelle, d’une douleur saisissante. Certes, le film n’oublie pas d’évoquer la difficulté du coming-out, celle de l’acceptation de soi et les pièges des réseaux sociaux.


Mais tout y est lisse, tout y est mièvre, loin des tracas du monde, et se conclut avec des bisous en haut de la grande roue d’une fête foraine dont le budget "guirlandes lumineuses" doit sans doute dépasser le PIB de tout pays en voie de développement. Un rien utopique, leçon de tolérance nécessaire mais gnangnan (et, de fait, peu concluante), Love, Simon prend clairement le parti d’édulcorer et de simplifier son propos (pas étonnant que le film ait fait un carton aux États-Unis) pour toucher un plus large public, mais pour quel résultat et avec quel succès ailleurs ? L’intention est bonne, mais offre la vision d’une société aseptisée, dans sa bulle, dégoulinante de bons sentiments. Entre misérabilisme forcé et comédie sirupeuse, il existe évidemment un juste milieu, une alternative plus convaincante que les lignes scénaristiques tracées par Greg Berlanti.


Ici tout le monde est beau, tout le monde est (presque) gentil, vit dans de belles et immenses maisons, Simon a des parents formidables (Jennifer Garner et Josh Duhamel dans des rôles insignifiants, réduits à faire tapisserie) et jouit d’une vie de famille digne d’un catalogue Ralph Lauren ou de décoration intérieure pour wasp progressistes. À travers l’histoire de ce lycéen cherchant à s’affirmer, victime d’un chantage aux sentiments et entretenant une correspondance avec Blue, un autre gay à l’identité secrète (c’est LA grande question du film : qui est Blue ?), Love, Simon veut dire et rappeler qu’être un (jeune) homo n’est ni un choix ni une honte ni une maladie qui se "soigne", simplement une orientation sexuelle (et amoureuse) normale, dans l’ordre des choses. Message salutaire naturellement, mais pour plus d’émotions et de subtilité, on préfèrera quand même voir (et revoir) Beautiful thing.


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mymp
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le 11 juin 2018

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