Malgré la justesse et la beauté de ce film, Nichols passe à coté du chef d’œuvre en privant le combat historique des Loving de sa vitalité.
« Je suis enceinte » « C’est bien » répond- il. Ses mots simples donnent le ton de l’amour pur et paisible que porte le taiseux Richard Loving pour Mildred. Plus tard, sur le terrain de la maison qu’il veut lui construire, Richard lui demande sa main. Cependant, Mildred est une femme noire et dans l’Amérique ségrégationniste de l’époque, l’Etat de Victoria ne l’autorise pas à se marier avec un homme blanc. Richard décide alors de se marier dans l’Etat voisin et s’exposent à une arrestation puis une obligation de quitter l’Etat, les arrachant à leur famille.
Sans jamais verser dans le pathos, Jeff Nichols nous fait vivre ce combat juridique historique Loving c/ Victoria où l’obstination de la douceur l’emportera face à l’absurdité de la société américaine incarnée notamment par un face à face subtil avec le shérif.
Sans grands effets de mise en scène ou déclarations d’amour larmoyantes, les performances délicates et puissantes de Ruth Negga et Joel Edgerton sont d’autant plus remarquables que les mots échangés sont rares. Les gestes doux, les preuves d’affections, les regards fuyants de Richard ou intenses de Mildred font surgir leur amour dans une grande justesse. Cependant les moments suspendus entre les deux époux se succèdent lentement et noient l’émotion dans un manque de rythme criant. Si le réalisateur ne nous accable pas sous un enchainement de batailles juridiques attendu pour un film inspiré d’une histoire vraie, son admiration pour les valeurs simples des deux héros et pour la nature nous plonge dans une atmosphère lénifiante.