Lucy
4.7
Lucy

Film de Luc Besson (2014)

Qu'est-ce que j'ai fait pour que Besson m'en veuille à ce point?

Bon, j'ai effacé et recommencé ma critique, parce qu'à chaud elle ressemblait plus à un étalage exhaustif de mon vocabulaire d'insultes qu'à une vraie critique.
(Bon, pas vraiment exhaustif non plus, mais mettons qu'en deux paragraphes j'étais passé de "grosse merde" à "putassier" et j'allais entamer les insultes médiévales)

En fait, le seul moment que j'ai apprécié du film, c'est quand j'ai aperçu un pote faire un caméo d'environ 0.4s. En-dehors de ça j'ai passé ma séance à me tenir la tête dans les mains et à me retenir de l'enfoncer dans mon accoudoir, tout en essayant de me retenir de soupirer par respect pour la séance de mes voisins qui ne voyaient peut-être pas la même chose que moi.

Précisément, au bout de 5 minutes je savais déjà que Lucy et moi, ça allait pas être l'histoire d'amour, même si elle ressemble fortement à Scarlett Johansson (Mais elle me donnait envie de lui mettre des baffes alors ça pouvait pas être Scarlett). Dès la première scène, Lucy est en pleine discussion avec Richard, son petit ami depuis une semaine, qui lui fait remarquer qu'elle porte le prénom de "la première femme du monde". Nous passerons sur le caractère complètement con de cette remarque, et nous concentrerons sur la véritable teneur de leur dialogue : Richard, que Lucy a rencontré complètement défoncé en boîte il y a une semaine et qui est sapé comme s'il allait à un entretien d'embauche pour un poste de dealer de mauvaise cocaïne, souhaite que Lucy aille délivrer à un certain M. Jang, dans un hôtel de luxe de Taipei, une mallette.

Bien entendu Lucy se méfie mais pas trop, et se retrouve bien forcée d'y aller, ne sentant pas qu'elle est en train de se jeter dans la gueule d'un dangereux caïd de la drogue. D'ailleurs le spectateur moyen de Besson ne doit pas s'en rendre compte non plus, puisque ce dernier se sent obligé de ponctuer (Le terme exact serait "matraquer", mais comme il va revenir plusieurs fois dans cette critique je veux éviter les répétitions) la scène de stock-shots de National Geographic montrant une pauvre gazelle se faire prendre à la gorge par un sauvage prédateur.
Déjà à ce moment-là, j'avais l'impression qu'un Luc Besson lubrique et puant la sueur me criait à l'oreille "TU LA SENS MA GROSSE MÉTAPHORE?!".

Puis est venue la dixième minute, celle à partir de laquelle j'ai sérieusement envisagé de quitter la salle. Où, après un petit matraquage d'un pourcentage (Censé indiquer le pourcentage de cerveau utilisé par Lucy, qui reviendra beaucoup trop souvent dans le film), Morgan Freeman, très à l'aise dans son rôle de mec qui parle, donne une conférence sur le cerveau et son utilisation, qui s'avère être en fait une énumération d'affirmation du genre "Les humains utilisent 10% de leur cerveau, les dauphins utilisent 20% de leur cerveau donc ils ont un sonar, et tous les 10% de cerveau en plus tu gagnes un nouveau super-pouvoir".

Soit. Y'a d'autres films qui se sont essayés, plus ou moins adroitement, de partir sur ce postulat (Faux, ou du moins très très très simplifié. À part les scénaristes de Luc Besson, tout le monde se sert bien de 100% de son cerveau), du genre Limitless, un peu maladroit, mais qui restait plutôt cohérent dans sa représentation, ou The Prodigies, qui malgré ses défauts avait une représentation métaphorique très juste d'un cerveau de surdoué. Lucy fait ça de la pire manière qui soit.

Si, hypothétiquement, quelqu'un arrivait, ce qui est impossible pour plusieurs raisons physiologiquement parlant, à utiliser de manière optimale l'ensemble de sa puissance cérébrale au même moment, il pourrait en effet apprendre des langues en quelques heures, atteindre les limites physiques de son corps, voire même "contrôler", au sens manipuler, des êtres humains.
Je sais pas où Besson est allé chercher que Lucy (Vous l'aurez compris, suite à un concours de circonstances mêlant la mafia chinoise, de la drogue, des taxis et une utilisation complètement erronée du Requiem Lacrimosa de Mozart, elle voit ses capacités cérébrales, ou son "pourcentage de cerveau", augmenter) pourrait contrôler les ondes électromagnétiques, puis les humains, puis la matière, pour finir par contrôler le temps.

Et voilà, le film est parti, et cette idée de super-pouvoirs octroyés par un pourcentage de cerveau va être le prétexte à tout ce qu'on connaît de plus vulgaire dans le cinéma de Besson, à savoir course-poursuite en voiture avec carambolages inutiles à la clé, bataille rangée entre la police et la mafia dans les couloirs d'une université qui finira lorsqu'un des chinois sort un lance-roquettes de sa poche, entrecoupé par des scènes où Lucy fait usage de ses divers pouvoirs, chacun associé à une batterie d'effets spéciaux différente et complètement inutile.

Le tout étant, et c'est ce qui fait la grande fierté de Besson qui ira jusqu'à comparer son film à 2001, parsemé de délires pseudo-métaphysiques sans aucune continuité, allant de Lucy qui parle via téléphone à sa mère "Je ressens tout maman, les ondes, les battements de mon cœur, les souvenirs du lait maternel" et se voit répondre "Pardon chérie, j'ai rien entendu ça a coupé, allez bisous", Lucy qui remonte le temps pour aller jouer au plafond de la chapelle Sixtine avec un Homo Erectus, des questions rhétoriques sur l'avenir de l'humain, des plans gratuits sur des images de l'espace, pour finir sur Lucy qui se transforme en super-ordinateur avant d'affirmer "I am everywhere".

J'avais déjà de bonnes expériences de mauvais cinéma, j'avais l'impression de découvrir avec Lucy un nouveau concept : De l'anti-cinéma.

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le 7 août 2014

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Pod607

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