Ah, Guillaume Canet... Il m'avait presque manqué ! Autant l'acteur ne me déplaît pas, autant le réalisateur me gonfle toujours plus. Toutefois, et même si la bande-annonce annonçait en partie la couleur, jamais avait-il atteint un tel summum de nombrilisme exacerbé. Pourtant, j'y ai cru au début de sa carrière : imparfait, « Mon idole » était toutefois ambitieux et « Ne le dis à personne » un thriller plutôt réussi, même « Les Petits Mouchoirs » me laissant un assez bon souvenir. Mais depuis, c'est de mal en pis. Pour qui a t-il réalisé ce film ? À part lui, je ne vois pas qui un tel « ego trip » peut intéresser. Le pire, c'est qu'on sent qu'il essaye d'intégrer un peu de noirceur, de mauvais esprit, une forme d' « universalité » dans son propos. Encore faut-il savoir convertir ces intentions par une vraie démarche formelle et, surtout, un vrai travail d'écriture.
Et à ce titre, les signaux envoyés dès le départ par Canet avaient de quoi alerter. Se vantant d'avoir écrit le scénario d'une traite (et en un mois), comme si cela lui conférait une valeur supplémentaire, on se rend vite compte en réalité des limites de ce procédé tant quasiment rien ne fonctionne, les répliques poussives, insipides voire médiocres s'enchaînant à un rythme soutenu, sans jamais exprimer quoi que ce soit de vraiment concret ou d'intelligent. L'acteur-réalisateur en semble d'ailleurs vaguement conscient, sans que ça l'empêche de continuer tête baissée. Tout ce délire narcissique pour simplement nous raconter une pauvre histoire de compositeur trompant sa femme et cherchant, plus ou moins, à recoller les morceaux tout en se cachant qu'il aime probablement plus sa maîtresse qu'il ne le prétend...
La galerie de personnages à la présence fantasmée sur l'île où il est allé se réfugier aurait pourtant pu être une bonne idée, comme le choix d'interpréter un mélomane comme protagoniste, mais tombent à l'eau assez lamentablement tant les situations, la logique, la façon de fonctionner du héros, son raisonnement sont grotesques, chaque trait d'esprit étant surlignée-stabilotée avec une telle épaisseur qu'aucun mystère, aucune réflexion n'est possible, atteignant son paroxysme lorsque l'ami Guillaume se
dédouble
(c'est son ego qui devait être content!) dans un dernier tiers particulièrement navrant
(à noter qu'il se joue beaucoup mieux en sale type qu'en pianiste tiraillé!),
trouvant son paroxysme lors d'un dénouement aux confins du ridicule.
Quelque chose à sauver, quand même ? Disons que j'ai du mal à mettre la note minimale à un film comptant « I'm Not In Love » à sa bande-originale, que ce monsieur a bien de la chance de partager son lit avec Virginie Efira et Laëtitia Casta (dire qu'il ose s'en plaindre)... et c'est à peu près tout. Ah, même s'il s'agit plus d'un non-défaut que d'une qualité : au moins Canet a t-il pris soin de nous épargner la présence de Marion Cotillard histoire de ne pas pousser le narcissisme à des cimes encore plus stratosphériques. En revanche, quel intérêt d'avoir convoqué Nathalie Baye et Patrick Chesnais pour des rôles aussi nazes qu'insignifiants ? Bref. Je reste toutefois fasciné par la capacité du cinéma français à produire des projets aussi désastreux uniquement parce qu'une star nationale souhaitait consacrer son auto-passion sur grand écran. Je croyais « Passion simple » inatteignable cette année en matière de vacuité absolue : avec cet ersatz de Bertrand Blier tendance « Le Bruit des glaçons », il a trouvé son maître.