Ce qui ressort d'abord de cet étonnant et moderne Macadam Cowboy, c'est le récit plein d'audace. En effet à travers un montage époustouflant sont introduits, derrière l'histoire se déroulant dans l'actuel, d'improbables analepses et rêves (projections sur un futur fantasmé), délires hallucinés et traumatismes, mêlant ainsi narrativité antérieure et ultérieure, pour reprendre les concepts de G. Genette. La temporalité du film se retrouve donc déliée, Schlesinger nous permettant de pénétrer parfois le temps intérieur perçu depuis la conscience du protagoniste, allant et venant donc entre focalisation interne et externe. Le cinéaste brouille par la même la frontière entre réalité et fiction, le spectateur ne sachant pas toujours si les faits rapportés ont été ou seront vécus ou non (métalepse).


Macadam Cowboy, c'est aussi l'histoire d'une amitié, avec un couple d'amis à la Bouvard et Pécuchet touchant à souhait, à la fois pathétique, ridicule et héroïque. Une certaine empathie du cinéaste les rend humain et fragile dans une société égoïste et sans scrupule. Toutefois, il les ridiculisent en même temps, à travers le décalage de Joe Buck, cowboy perdu à New-York, pas à sa place, ni physiquement, ni culturellement, ainsi que Ratso (ou Rico, pour ne pas le froisser), au visage toujours gras, spectre édenté et puant hantant les immeubles désaffectés et flairant le moindre mauvais coup, joué par un D. Hoffman incroyablement juste, toujours convaincant, bluffant de tant de sincérité.


Si le thème est d'abord celui de l'amitié masculine, touchante et pure, comme le démontre Joe Buck, le héros, viril à souhait, (super «étalon» comme il se définit lui-même), ne doutant jamais de son hétérosexualité, Schlesinger n'hésite pas à brouiller les sexualités, principalement à travers le personnage de Ratso dont le sentiment envers son acolyte est plus que fraternel. En outre, la présence récurrente de personnages secondaires masculins recherchant une compagnie homosexuelle, ajouté au thème de la prostitution, fait de Macadam Cowboy un film dérangeant pour l'époque, courageux par son côté scabreux (bourré de références à la psycho-critique à la mode dans les années 60/70), lui ayant d'ailleurs valu à l'époque la classification X.


Bercé par la douce chanson Everybody's Talkin’ , Macadam Cowboy demeure un film éminemment moderne pour son temps, toujours aussi audacieux malgré les années qui nous en séparent, véritable bijou du nouvel Hollywood que n'aurait jamais renié Scorsese.

Marlon_B
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le 15 août 2018

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