Macbeth
6.2
Macbeth

Film de Joel Coen (2021)

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« Le premier film de Joel Coen » (en quarante ans de filmographie)

Cette adaptation de Shakespeare, Joel Coen semble l'avoir réalisée sous l'angle d'une théâtralité omnisciente dans l'oeuvre des deux frangins, la facette "absurde" de l'autre en moins.


The Tragedy of Macbeth s'inscrit comme une lettre d'adoration, l'hommage ultime et exquis aux arts du spectacle jusqu'ici tant laissés en arrière-plan et pourtant omniprésentes dans la redondance volontaire de l'humour de The Big Lebowski et la verve onirique de Barton Fink. Finalement, qu'est-ce qui distingue tant ces deux films de Macbeth ? Le scénario et surtout, les dialogues rigoureusement shakespeariens, sans oublier le sublime noir et blanc ornant des images comprenant au minimum une idée dingue à la minute.


Il ne s'agit pas d'un film facile, ni même d'un film aisé. Le geste artistique, comme souvent chez Coen, est d'une radicalité telle qu'on peut légitimement passer à côté, en étant imperméable à la poésie et à l'austérité du film. Outre des décors extérieurs superbes aux couleurs trompeuses, on constate des décors intérieurs rustiques et calibrés dignes de la Cartoucherie... Visuellement, on lorgne donc tantôt dans le surréalisme, tantôt dans quelque chose d'équilibrer et non sans rappeler Orson Welles.


Denzel Washington dans la peau du roi d'Écosse se révèle d'une expression nettement moins furibonde que Welles, tout en faisant preuve d'une froideur tout à fait raccord avec l'ambiance globale souhaitée par le film, n'en demeure pas moins excellente. Frances McDormand, muse du cinéaste, tout aussi bonne à l'accoutumée, manque néanmoins de peps en Lady Macbeth, le caractère machiavélique du personnage étant finalement assez édulcoré.


Tout en prenant à bras le corps la pièce de Shakepeare, Coen en garde la cruauté, et de surcroît, l'un des enjeux premiers de l'adaptation étant justement d'avoir mis en scène un couple Macbeth/Lady Macbeth loin de la tendre jeunesse (Washington et McDormand étant à ce jour soixantenaires).


Observons la carrure des sorcières, de vrais sacs de noeuds, et cette dernière minute glaciale en tout point.


Audace considérable que d'avoir gardé des dialogues en vers, ce qui peut avoir tendance à nous dérouter, mais sans nous perdre complètement. De plus, le film est paré de quelques partitions signées Carter Burwell, réussies quoiqu'oubliables.


En somme, une adaptation ambitieuse, à la fois très peu autoréférencée et ancrée dans l'oeuvre coenienne. Tour à tour divertissement au goût du jour et objet estimé élaboré, elle fascine, perd et n'oublie pas de s'approprier les codes shakespeariens afin de séduire avant tout, un nouveau public. Un Coen nouveau certes, mais certainement pas le premier à porter cette ambition comme j'ai pu lire ça et là.

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7

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