Macbeth
6.2
Macbeth

Film de Joel Coen (2021)

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To Be or Not to Be Coenian? Not to Be...

William Shakespeare dans l'univers des frères Coen... pardon, correction, dans l'univers d'un frère Coen ! OK, deux intérêts déjà : Shakespeare chez Coen et le fait que ce soit la création d'un seul et unique Coen. Voyons ce que cela donne.


Bon, visiblement, le frangin unique, en s'attaquant à la "pièce écossaise", s'inspire d'Orson Welles pour la stylisation des décors ainsi que par leur épurement à l'extrême et pour leur expressionnisme. L'obscurité laisse juste la place ici à une lumière omniprésente jusqu'à devenir aveuglante pour traduire la psyché des caractères. Bruno Delbonnel, à la photo, et Stefan Dechant, à la direction artistique, ont fait du très bon boulot. Reste que du point de vue de la patte artistique, c'est quasiment juste du Orson Welles avec de la lumière.


Oui, une des limites de ma subjectivité me pousse à avoir une pensée du cinéma très proche de la "politique des auteurs". Donc j'avoue que j'ai regretté de ne pas avoir vu à l'écran une image à la Coen, en étant trop ressemblant à un artiste antérieur.


Bon, le frérot a toujours la possibilité de se rattraper dans l'adaptation du texte elle-même, passée par la moulinette insolite coenienne.


Shakespeare, ça peut être très chiant. Non, non, on ne va pas être hypocrites, hein ? Cela peut être très chiant. Mais cela peut être aussi franchement captivant, quand un cinéaste comprend pleinement que le Monsieur, ce n'est pas uniquement du verbe, mais aussi du bruit et de la fureur (des réactions, des paniques, des destructions, de la tempête !). Des pointures comme Kurosawa et Kozintsev (pour moi, les deux meilleurs pour transposer au septième art le dramaturge !) l'ont compris. Il faut montrer du bruit et de la fureur pour captiver et pas juste filmer constamment du verbe.


Et Coen tombe dans ce dernier piège. Ou du moins, ça en donne l'impression (parce que visuellement, même si trop proche de Welles pour se distinguer, c'est créatif !). Disons qu'au milieu du dispositif scénique créatif, la sensation lourde du verbeux est due à un jeu d'acteurs trop froid (oui, Denzel Washington et Frances McDormand sont des bulldozers de charisme, mais ça n'empêche pas !), débitant leur texte comme une liste de courses, à des seconds rôles très fades (excepté Brendan Gleeson (malheureusement et inévitablement, en tant que roi Duncan, il n'en a pas pour longtemps !), Harry Melling (mais n'ayant pas grand-chose à foutre pour suffisamment se distinguer, à part attendre que la couronne lui soit remise !) et Kathryn Hunter (il faut reconnaître que la séquence pendant laquelle elle se contorsionne dans la lande dans une sorte de danse "possédée" est une des rares à être prenante !)), peu aidés, en plus, par une durée d'ensemble assez courte (mais très longue pour le spectateur que je suis ; ah, la théorie de la relativité !) pour qu'ils apparaissent d'une manière suffisamment prégnante. Cela passe trop vite à l'écriture d'une chose à une autre, sans creuser.


D'ailleurs, ce dernier défaut a des conséquences aussi pour les deux protagonistes. La froideur des comédiens n'est pas le seul aspect à blâmer. Leur plongée dans la folie se fait d'une façon trop abrupte au lieu d’être progressive (oui, c’est faisable en incorporant des moments sans paroles si on ne veut pas être infidèle aux dialogues de Willy !). Ce qui ne fait que renforcer la mise à distance, provoquant une indifférence ennuyée.


Ah oui, l'éventuel style de Coen se pointant par le biais du texte shakespearien même ? Il n'y en a pas. Il se laisse trop écraser par l'auteur pour cela.


Bref, pour résumer rapidement, c'est trop impersonnel, c'est trop froid et c'est dénué de profondeur. Bref, venant de Joel Coen, c’est une grosse déception en ce qui me concerne.

Plume231

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