Un désert interminable synthétisé en un univers riche et confiné. Quelques lignes de dialogues endiguent des figures denses. La puissance de Mad Max provient probablement de ce paradoxe maboule : le film porte aux nues la misère mais regorge de richesse. Assoiffée, l’humanité n’a plus que de l’essence à s’engouffrer dans le gosier. L’or bleu mérite plus que jamais sa valeur. La denrée potable est jalousement phagocytée par un immonde vassal. Il peut abreuver ses sujets au compte-gouttes et féconder allègrement d’innocentes mères-porteuses. La rage nourrit l’insatiable vindicte d’une des gladiatrices de ce despote : elle détourne le convoi escortant ses précieuses femelles. 
S’y harnache Max (Tom Hardy), maugréant roitelet de la survie. Nul autre leitmotiv, au creux de ces landes scabreuses, que l’intérêt personnel. Les vagabonds se mettent en joue avant même de croiser leur regard. Jadis, la confiance s’est évaporée avec l’eau salvatrice. Des cohortes de guerriers difformes servent le maître qui leur fait miroiter un paradis apocryphe. Ces kamikazes interchangeables poursuivent la dissidence sans relâche. Les camps s’entrechoquent sans bien et mal : l’on plane au-dessus de cette dichotomie. À moins qu’elle nous surplombe, tant ce monde suinte le désenchantement. Son esthétique sombre rutile de cohérence. Même la rébellion s’anime par égoïsme plus que par idéal.
Un rythme vrombissant répond à ces querelles individualistes. Les plans d’ensemble à la grue s’enchaînent avec des zooms fracassant au cœur de l’action, où l’image convulse. Les hallucinations de Max, fruit d’une culpabilité rongeante, électrifient l’écran quand la pyrotechnie ne le fissure pas. La narration reste dans le sillage d’une action pétaradante pour mieux l’exhorter. Peu de paroles : les flibustiers ont enfoui l’énergie labiale depuis des lustres. Une photographie hors-pair magnifie leurs visages figés, granuleux. De nuit, le contraste s’amenuise pour mieux circonscrire l’angoisse.
À mesure que les bolides des fuyards avalent les miles, les situations se répètent. L’enthousiasme du spectateur s’engourdit légèrement, d’autant que les baisses de régime s’accompagnent d’une dispensable bravoure sentencieuse. Ces scènes d’esbroufe, on les évacue volontiers de ses mirettes. Surtout que George Miller, le réalisateur de cette cuvée qui signait déjà les opus eighties, confesse son rêve d’abroger ce bla-bla. Alors on barricade ses pavillons à renfort de rugissements de moteurs. On en profite pour reprendre son souffle. Sous le sable, dans l’œil du cyclone borgne, on ignorait que se sentir malaisé procurerait tellement de jouissance.

Retrouvez mes critiques sur Facebook : https://www.facebook.com/critiquequantique?fref=ts

Boris_Krywicki
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2015

Créée

le 15 mai 2015

Critique lue 300 fois

Boris Krywicki

Écrit par

Critique lue 300 fois

D'autres avis sur Mad Max - Fury Road

Mad Max - Fury Road
Torpenn
4

Max et l'effet railleur

J'ai perdu l'habitude de me précipiter voir les dernières grosses sorties lors des premiers jours, mais baste ! Un cas de force majeur m'oblige à filer au cinoche aujourd'hui et quoi de mieux que les...

le 14 mai 2015

231 j'aime

152

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

209 j'aime

20

Mad Max - Fury Road
Vltava_Tereza
5

Du sable plein les yeux.

Je suis assez bluffée de voir une note si élevée pour un film comme celui-ci, mais c'est une moyenne des différents avis et il est toujours intéressant de la relever ! Pour ma part : visuellement ce...

le 13 juin 2015

182 j'aime

25

Du même critique

Victoria
Boris_Krywicki
8

Grand corps hypocondriaque

« Chaque heure passée ici pèse une tonne ». Dans son appart parisien sans dessous-dessus, une avocate K.O cuve. Les médicaments, l’alcool ou les séances chez le psy-accuponcteur, on ne sait plus. Car...

le 12 sept. 2016

3 j'aime

2

Les Dissociés
Boris_Krywicki
4

Apéro rétif

Les Youtubeurs ont fini d’entrer dans l’ère du temps : les voici réalisateurs de long-métrage. Financé essentiellement par du placement de produit, cette œuvre du collectif Suricate mise sur un...

le 24 déc. 2015

3 j'aime

The Lobster
Boris_Krywicki
5

Applats de résistance

Après Canine, sa scotchante dissection de l’enfance remarquée à Cannes, Yorgos Lanthimos passe par la case Hollywood avec un casting aux hormones. Ce beau monde se débat dans un luxueux hôtel pour...

le 24 déc. 2015

3 j'aime