Pratiquement 30 ans après "Mad Max : au-delà du dôme du tonnerre", voici que le légendaire Road movie punk-Post apocalyptique de George Miller renait de ses cendres. De nombreux spectateurs âgés entre 15 et 25 ans auront peut-être une certaine méconnaissance de cette saga mythique. Alors avant de parler de cette sortie événement, un petit retour en arrière s'impose.


Un projet sorti de nulle part...


Janvier 1982 (je n'avais pas encore 3 ans...) : un ovni d’à peine une heure et demi débarque sur les écrans français de cinéma. Ultra-violent, classé X dans un premier temps, il se voit amputé de ses scènes les plus dures. Mais il est auréolé d’un grand prix au festival international du film fantastique d’Avoriaz. Qui plus est, il intrigue, car il vient d’un pays qui envoie alors plus souvent des tennismen que des œuvres du septième art dans l’hémisphère nord : l’Australie. Pour un budget de 350 000 Dollars à peine, Mad Max est considéré comme un film de genre, réalisé par George Miller, un illustre inconnu, d'origine australienne lui aussi. Miller confie alors le rôle principal de Max Rockatansky (le vrai nom) à un certain Mel Gibson, 25 ans, lui aussi totalement inconnu du grand public à l'époque. Gibson sera payé 12000 Dollars pour sa prestation !


« Mad Max » pose le portrait effrayant d’une société futuriste en proie à la violence routière. « Je cherche à créer un spectacle qui ait la force d’impact d’un accident de voiture. Nous vivons dans le culte de la vitesse. J’ai vu, dans l’hôpital où j’exerçais, des dizaines de victimes d’accidents graves. Cette violence fait partie de notre quotidien », déclarera même George Miller qui, en effet, avant de devenir cinéaste, avait entrepris des études de médecine.


Son film coup de poing, à la réalisation froide, au climat post-apocalyptique, lit-on dans la presse de l’époque. Il installe le spectateur dans un décor de routes cauchemardesques : celles d’une Australie dévastée (le film a réellement été tourné dans le sud australien) qui ressemble à un champ de bataille sur lequel s’affrontent gangs de motards et policiers. Mel Gibson incarne l’un de ces derniers. Flic justicier, Max a basculé dans la folie meurtrière le jour où des motards ont tué sa femme et son bébé.


Avec ce scénario digne d’un western, mais qui se déroule dans une époque – pas si lointaine sans doute – et dans un décor jamais montré à l’écran, « Mad Max » devient aussitôt un film phénomène. Il rassemble 2,5 millions de spectateurs en France, et plus de 3,2 millions aux États-Unis et en Allemagne fédérale, 1,5 million en Australie et en Espagne… Cet immense succès international permet à ses producteurs d’engranger près de 100 millions de dollars de recettes, de sorte que Mad Max va vite devenir le film le plus rentable de l’histoire du cinéma, ce qu’il va rester jusqu’en 2000.


Devant un tel succès, un Mad Max 2 ne tarde pas à sortir, dans la foulée du premier. Il a changé de dimension. Avec un budget dix fois plus important que le premier volet, en particulier en raison de son décor hors norme, réduit en cendres dans une explosion mémorable, il est le film le plus cher jamais produit en Australie à l’époque.


L’action se situe cette fois dans le désert, dans un futur indéterminé où il ne pleut jamais et où les réserves de pétrole sont épuisées. Et le monde est en proie au chaos, abandonné à des hordes de pillards. Max, toujours solitaire, vient en aide à une communauté d’une trentaine de personnes qui gèrent une raffinerie et une citerne renfermant des milliers de litres d’essence, régulièrement attaquée par des pirates de la route.


Mad Max 2, avec sa poursuite finale d’anthologie, récolte encore les fruits du succès : plus de 23 millions de dollars rien qu’aux États-Unis, et plus de 3,6 millions d’entrées lors de sa sortie en France, en août 1982.


Il sera encore suivi, en 1985, d’un troisième volet, "Mad Max : Au-delà du dôme du tonnerre", plus proche du péplum que du western dans ses codes, ce qui ne manquera pas de décontenancer les fans des épisodes précédents, en mal ici de sensations fortes et d’odeurs d’huiles de moteur…


Situé trois ans après le précédent, il montre un monde encore détérioré sur lesquel viennent se greffer les prémices d’une nouvelle civilisation. Et pour cause : une guerre nucléaire a détruit tous les fondements de la société. Ne subsistent plus que des tribus engagées les unes contre les autres dans une lutte pour survivre.


Max, toujours de ce monde, arrive à Trocpolis qui, comme son nom l’indique, est une ville dévolue au commerce, gouvernée par une femme, Entity, qu’incarne la chanteuse Tina Turner.


30 ans après, que reste-t-il...


D'abord dubitatif à l'idée d'une sortie aussi tardive, j'ai ensuite revu ma position en apprenant que c'était George Miller lui-même, le papa de la trilogie originale, qui était à l'initiative du projet ainsi qu'à sa réalisation. Il faut savoir que cette idée de reboot de la franchise trottait dans la tête du metteur en scène depuis 1997. Mais il n'a pu voir le jour avant ce mois de Mai 2015, la faute à plusieurs échecs commerciaux subis par ses précédents films, ainsi que plusieurs reports de tournage. Au départ prévu pour être une suite, "Fury road" se révèle davantage être un reboot chargé de relancer (redynamiser devrait-on dire) cette saga jusque là endormie. Même background, même personnage central, mais histoire différente.


Un bref résumé du background est proposé dès les premières secondes du film. Ca n'a l'air de rien comme ça, mais sans ce petit détail, on a vite fait de s'arracher les cheveux tant l'univers proposé est spécial et affreusement dépouillé. Alors "Mad Max Fury road", késako?


Nous sommes dans un futur indéterminé. Une guerre thermonucléaire a ravagé la Terre et ses habitants. Il ne reste plus qu'un vaste désert, des milliers de kilomètres de sable et de sel à perte de vue. Plus un arbre debout, plus une goutte d'eau (ou presque), bref...Rien. C'est la mort et la désolation. Dans ce cloaque cauchemardesque où toute vie semble impossible, des Hommes survivent. Mais rien de commun avec ce que furent jadis les Hommes. Sauvages urbains mécanisés, mutants atrophiés et malades, castes dominantes et autres clans barbares font régner la loi du plus fort (façon "Hokuto Shin Ken" pour les fans de mangas).


C'est dans ce contexte que règne dans la terreur un leader tyrannique et sanguinaire répondant au nom de Immortan Joe (ci-dessus), qui fait la pluie et le beau temps pour une population meurtrie et faible, en proie à la famine et la mort. Un jour ordinaire, Immortan Joe envoie son plus fidèle lieutenant, l'Imperator Furiosa (jouée par Charlize Theron), pour mener à bien une mission de ravitaillement jusqu'à Pétroville, une ville voisine. Seulement voilà, Furiosa a d'autres plans, et s'apprête à trahir son clan pour des raisons que je vous laisserai découvrir par vous-mêmes.


Dans le même temps, Max, qui ne faisait que passer, se fait capturer par un groupe de "Warboys" (des humains à moitié vivants et sous les ordres de la Citadelle), se fait relativement malmener et manque de se faire asservir alors qu'il parvient à prendre la fuite, se retrouvant ainsi dans le même porte-guerre (une sorte de gros camion militaire hybride animé par deux moteurs V8 boostés à la nitro). Nos héros font alors route vers l'Est à la recherche de la Terre verte, histoire de protéger ce qui reste d'humain à cette humanité dépourvue de compassion.


Fulgurances & virtuosité


Voilà pour ce qui est de l'intrigue principale de ce "Fury road" (qui porte fort bien son nom). Mais autant vous annoncer tout de suite la couleur : ce storyboard n'est qu'un prétexte à une parfaite illustration de ce qu'un road movie enragé et violent peut avoir dans le ventre. "Fury road" est une succession de course-poursuites absolument démentes en plein désert, mêlant vitesse et combats épiques. A la fois dépouillé et riche de nombreux petits détails narratifs, ce reboot pose clairement ses "cojones" sur la table et déballe le grand jeu en jouant d'atouts réellement impressionnants.


Ceux qui rechercheraient une certaine richesse dans le scénario ou dans le propos risquent de rester sur leur faim. Car côté histoire, on peut dire que c'est un peu le serpent qui se mord la queue. A la fin des deux heures, on n'est pas vraiment plus avancés (ce qui est assez normal pour un survival). Non, la claque est avant tout visuelle et sonore. On est devant un véritable peplum post apocalyptique, dont la vocation est de rendre purement épique un univers sale et repoussant. Toute la force du film réside dans sa mise en scène, ses décors, ses personnages (je vais y revenir), sa bande-son, ainsi que l'efficacité avec laquelle les poursuites sont filmées. Que l'on accroche ou non avec l'univers de Mad Max, difficile de ne pas être hapé par cette maestria de flammes et d'acier, ou plus aucune humanité ne semble exister.


Je faisais allusion aux personnages plus haut. S'il y a un défaut notable à relever dans ce film, c'est ici que ça se passe. Le "bestiaire" des personnages est en effet si riche (Immortan Joe, Nux, les Warboys, Furiosa,...) que Max lui-même aurait tendance à passer très souvent au second plan, faisant moins office de héros central que d'aide de camp au véritable personnage principal du film : l'imperator Furiosa, magistralement interprétée par Charlize Theron. La comédienne a une fois encore surpris tout le monde. On la savait capable d'incarner des rôles particulièrement ingrats (comme dans "Monster" par exemple). Mais là, ça frôle le génie. La belle australienne semble très à son aise, avec son bras mécanique, ses cheveux rasés et ses peintures de guerre. Sa seule présence anime tout le film, alors que tout le côté bad ass du Max des premiers films est complètement passé aux oubliettes. Et l'unique vestige de son passé perdu consiste en une série de flashbacks de sa petite fille tuée sur les routes. Flashbacks qui l'affaiblissent au lieu de lui donner la rage nécessaire à sa survie.


Alors autant être clair : avec un scénario et des dialogues quasi inexistants, une proposition dramatique plutôt légère (la survie des faibles sur les forts...) ainsi qu'un héros trop souvent en retrait, "Fury road" n'est pas parfait. En revanche, ce qui fait sa force réside dans sa virtuosité ainsi que dans cette identité qui est la sienne, et que George Miller a construit sur 30 ans et trois autres films. A mon sens, Fury road coiffe au poteau tous les blockbusters concurrents du moment d'un point de vue technique, car il a été presque intégralement monté à l'ancienne (c'est à dire dire sans 3D ni fonds verts ou incrustrations diverses). Et quand on voit le résultat, les effets pyrotechniques fulgurants, les combats en bolide qui foncent entre les dunes, on peut largement applaudir le travail du cinéaste qui fait là un superbe retour aux affaires.


CONCLUSION :


Animé d'une ambiance schizophrénique tantôt grave et réaliste, tantôt outrancièrement décalée et pulp, Mad Max Fury road nous propose une virée à tombeaux ouverts dans un univers dystopique post apo, totalement déjanté et ne souffrant aucune limite. Du haut de ses Soixante Dix printemps, George Miller parvient à la fois à imposer l'identité affirmée de ce que fut jadis Mad Max, mais insuffle en même temps une véritable puissance tout à fait inédite dans cette saga. Durant ces deux heures collées au siège, j'ai eu tout le loisir de me laisser emporter par une mise en scène immersive tellement what the fuck et jusqu'au-boutiste que j'ai eu du mal à en revenir tout le reste de la journée. A défaut d'une véritable construction narrative, l'imagerie sophistiquée embrase l'écran, et les nombreux personnages marquants du film se suffisent à eux-mêmes sans avoir à parler beaucoup. Un tour de force magistral pour un metteur en scène à l'imagination aussi débordante que malsaine. A voir sans hésiter !


VOIR LA REVIEW SUR MON SITE :
http://www.unoeilsurlecran.com/#!mad-max-fury-road/ctdb

Ri_Tchy
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 30 août 2015

Critique lue 348 fois

1 j'aime

Ri Tchy

Écrit par

Critique lue 348 fois

1

D'autres avis sur Mad Max - Fury Road

Mad Max - Fury Road
Torpenn
4

Max et l'effet railleur

J'ai perdu l'habitude de me précipiter voir les dernières grosses sorties lors des premiers jours, mais baste ! Un cas de force majeur m'oblige à filer au cinoche aujourd'hui et quoi de mieux que les...

le 14 mai 2015

231 j'aime

152

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

209 j'aime

20

Mad Max - Fury Road
Vltava_Tereza
5

Du sable plein les yeux.

Je suis assez bluffée de voir une note si élevée pour un film comme celui-ci, mais c'est une moyenne des différents avis et il est toujours intéressant de la relever ! Pour ma part : visuellement ce...

le 13 juin 2015

182 j'aime

25

Du même critique

Borderline
Ri_Tchy
6

Aurait pu mieux faire...

... Et croyez-moi, il me coûte de dire cela. Je suis un fan absolu du travail d'Olivier Marchal. Ex-flic depuis 2001 et reconverti dans le cinéma, Marchal dispose d'une filmographie assez peu fournie...

le 28 oct. 2015

3 j'aime

Lucy
Ri_Tchy
4

Le retour de Luc Besson ? Ce n'est pas encore pour cette année...

Vous pourrez me dire tout ce que vous voulez : pour moi, Luc Besson, c'est quatre films : "Le Grand bleu", "Nikita", "Leon" et "le Cinquième Elément". Tout ce qui est venu après cette époque n'est...

le 17 déc. 2014

2 j'aime

24 : Live Another Day
Ri_Tchy
7

Un jour de plus au paradis...

Aujourd'hui est un jour historique pour les fans de Jack Bauer. Après Quatre années d'absence et sans le moindre indice sérieux d'un hypothétique retour du héros (hormis les rumeurs concernant un...

le 27 mai 2014

2 j'aime