Pendant très longtemps, Frédéric Chau a été un des rares visages 100% asiatique dans le paysage audiovisuel français. Depuis ses débuts au Jamel Comedy Club en 2006, il apparaît régulièrement au cinéma dans des petits rôles jusqu’au phénomène Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? qui est le plus grand succès français en salle en 2014. En 2011, il commence à travailler sur un projet très personnel qui lui tient à coeur, souhaitant écrire des rôles dont le cinéma français n’était pas capable de lui proposer ou à d’autres acteurs et actrices asiatiques français. Et 8 ans plus tard, en 2019, va enfin sortir en salle, Made In China, réalisé par Julien Abraham, et scénarisé par Frédéric Chau et Kamel Guemra.


François ne fréquente plus sa famille depuis dix ans, suite à une dispute avec son père, Meng. Mais, un jour, sa compagne, Sophie, tombe enceinte de lui. François décide alors, avec son meilleur ami Bruno, de retourner dans le 13e arrondissement de son enfance pour renouer avec sa famille. Si la quasi-totalité de la famille l’accueille à bras ouverts, les choses s’avèrent plus compliquées avec son père et son frère.


Derrière ce synopsis, Frédéric Chau incarne donc François, et gravitent autour de lui, une galerie de personnages qui va l’accompagner dans sa quête de retour à ses racines. On retrouve Medi Sadoun (Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu) dans le rôle du meilleur ami, Julie de Bona (Le Tueur du Lac) interprète sa compagne, Bing Yin (L’âme du tigre) joue son père, Steve Tran (Beur sur la ville) et Mylène Jampanoï (Martyrs) sont respectivement Félix et Lisa, ses cousins qu’il n’a pas vu depuis des années. Made In China aborde plusieurs thèmes comme les relations difficiles entre un père et son fils face à un événement dramatique, la quête du bonheur personnelle face à la pression de la réussite dans certaines familles, tout en essayant de désamorcer les clichés éculés et racistes envers les asiatiques en les tournant en dérision. Le film est aussi et surtout une porte ouverte sur une communauté qu’on voit rarement au cinéma français, ces Asiatiques qui sont arrivés en en masse dans les années 70, et donc une grande partie s’est installée dans le 13è arrondissement de Paris, formant ainsi le plus grand Chinatown d’Europe. C’est une véritable plongée dans un microcosme parfois méconnu, avec ses us et coutumes comme la cérémonie du thé lors d’un mariage traditionnel ou de la préparation du défilé du nouvel an lunaire. C’est aussi l’occasion de découvrir des rôles d’asiatiques qui sortent des archétypes habituels, avec toutes leurs complexités et leurs nuances, et de s’affranchir du persona extrêmement réducteur de l’asiatique de service pour devenir des personnages à part entière. Cela peut paraître anecdotique pour le grand public, mais c’est une petite révolution dans le cinéma français. Quand à celles et ceux qui sont très familier de la culture franco-chinoise et du quartier asiatique parisien, ils seront enchantés de retrouver des endroits emblématiques de leur quotidien comme certains lieux de prières, les restaurants-karaokés et salles de fêtes symboliques du 13e arrondissement. Souvent accusé d’une architecture biscornue et désuet, le Chinatown de Paris révèle sa soudaine cinégénie à travers de très belles scènes nocturnes éclairées au néon, ainsi que plusieurs plans aériens qui subliment majestueusement la célèbre esplanade des Olympiades, lieu de passage pour certain, terrain de jeu et point de rendez-vous pour d’autres. Il n’y a pas de doute, Made In China est une véritable invitation à découvrir ce quartier parisien atypique si chère à la communauté asiatique. Et pour les plus connaisseurs, ils verseront sans doute une petite larme à l’apparition d’une célèbre chanson issue du folklore chinois lors d’une scène assez touchante.


A l’instar de Crazy Rich Asians pour le cinéma américain, Made In China porte la lourde responsabilité de prouver à une industrie qu’un film français porté par un casting asiatique et par une histoire qui se déroule dans cette communauté méconnue puisse toucher un large public et pourquoi pas ouvrir la voie à de nouveaux visages et à de nouveaux talents qui ne demandent qu’à éclore auprès des spectatrices et spectateurs. On est en 2019, et c’est peut-être le moment d’injecter un regard nouveau sur la société française au cinéma.


Et si vous voulez prolonger l’expérience, foncez déguster une bonne soupe de nouilles dans ce Chinatown qui vous accueillera à bras ouvert, avec son hospitalité et son folklore unique.

NonoDarko
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le 26 juin 2019

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