Maigret voit rouge par Maqroll
L’univers de Simenon est un monde à part, façonné en orfèvre par un écrivain de génie. L’univers particulier de la série des Maigret est un condensé de cette œuvre où l’auteur a mis énormément de lui-même pour produire un personnage qui a une telle épaisseur qu’au bout de quelques heures de lecture on a l’impression d’avoir toujours vécu avec lui. Le paradoxe est que cette œuvre, si peu propice à des adaptations cinématographiques est une des plus adaptées pour le grand ou le petit écran. Et puis, qui pour jouer Maigret ? Pour des raisons de vedettariat, Gabin s’est frotté plusieurs fois à ce rôle immense. Les deux premières (Maigret tend un piège et Maigret et l’affaire Saint-Fiacre) avec Delannoy à la mise en scène sont honnêtes à défaut d’être brillantes et restituent au moins une certaine atmosphère même si elle est à des lieues de l’univers véritable précédemment évoqué. Hélas, pour sa troisième (et dernière) tentative, c’est Gilles Grangier qui se colle à la réalisation avec un Gabin qui a vieilli, bedonnant et jouant du Gabin, sans plus rien de l’original. Comme de plus l’intrigue est particulièrement psychologique avec très peu d’action, il faudrait un cinéaste de génie pour restituer la progression psychologique de l’enquête à l’écran. On sait que c’est loin d’être le cas et on a ainsi une espèce de parodie des Cinq dernières minutes qui se traîne en longueur dans des dialogues d’une lourdeur fabuleuse et de rares scènes d’action ridicules. On en sort avec la seule idée d’aller lire ou relire un Maigret, un vrai…