Film politique par excellence, qui ne se cache à aucun moment pour produire un discours sur l'idéologie, Main basse sur la ville est une longue plongée au cœur des rouages municipaux de la ville de Naples, dans les années 60, à la veille d'une élection et surtout au lendemain de l'effondrement d'un immeuble miteux ébranlé par des travaux immobiliers. L'intrigue, car il faut bien parler ici d'intrigue (à l'intensité dramatique appuyée) dans ce qui aurait pu se réduire à un faux documentaire, tourne principalement autour d'une commission d'enquête, obtenue par un conseiller municipal de gauche, en charge d'établir la responsabilité de l'accident. À travers le personnage de Nottola (Rod Steiger), promoteur immobilier dotée d'une ambition et d'une cupidité phénoménales, on explore les bas fonds des arrières cuisines de la politique, avec tout ce qu'elles comptent comme magouilles et autres manipulations. Autant dire que c'est pas très joli.


On pourrait dire, près de 60 ans plus tard, que rien n'a vraiment changé et qu'à ce titre le film n'a sans doute pas la portée dénonciatrice qu'il avait pu avoir en 1963. Mais c'est toujours un plaisir, si l'on peut dire, d'observer les manigances des uns et des autres pour contourner voire récupérer la catastrophe, à grand renfort de spéculation immobilière et de stratégie électorale. Francesco Rosi se focalise particulièrement sur la notion d'alliances, avec l'importance que revêt le groupe centriste au moment des élections et les marges de manœuvre que cherchent à se dégager les principaux partis.


Le film provoque une véritable nausée, à travers une plongée dans la crasse de l'arène où s'affrontent les politiques, renforcée par un noir et blanc presque anxiogène. Certaines séquences sont en outre assez difficiles à suivre tant les répliques fusent à une vitesse folle, sur des thèmes complexes comme la spéculation immobilière, au cours des assemblées (incroyablement bien retranscrites). La collusion entre intérêts public et privé gangrène tout l'espace des débats, et l'atmosphère particulièrement viciée qui y règne ajoute à cette agitation ridicule une dimension écœurante. La forme peut mettre mal à l'aise, tant elle ne laisse jamais respirer (pour des raisons bonnes ou mauvaises), mais rarement un film ne se sera autant attaché à décrire la consanguinité, le mépris et le cynisme de l'ordre politique, décrit comme un jeu noyé sous des torrents d'argent et dont l'unique finalité semble être de conserver le pouvoir.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Main-basse-sur-la-ville-de-Francesco-Rosi-1963

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le 16 sept. 2019

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Morrinson

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