Je voulais voir depuis longtemps du Rozier, pensant y trouver tout ce que j'aime au cinéma, c'est chose faite aujourd'hui. Et ça dépasse toutes mes espérances.
Maine Ocean est un film magnifique, touchant, digne. Ce que j'aime au cinéma, c'est voir des personnages changer, partir de quelque part et se transfigurer, découvrir l'altérité, se confronter aux autres points de vue et autres vies - et voir comment l'acteur et la mise en scène rendent compte de ce changement. Tous les films que j'aime passionnément le font, dans une moindre mesure bien sûr. Mais dans Maine Ocean, c'est le sujet même, le film ne tient pas par autre chose. Je vois ici toutes les réponses que je peux donner à quelqu'un qui me demanderait : à quoi sert le cinéma ?
Eh bien il sert à ça. A filmer le temps. A filmer, quelque chose dans l'air, qui change. La rencontre. Et la structure, bien étrange, du film, est une merveilleuse réponse à ce problème : les blocs séquentiels qui s’enchaînent avec une simplicité remarquables rendent compte du temps qui passe, mais le film dans son ensemble, agit comme une suspension, une rêverie, un moment de contemplation inoubliable. Rozier montre ça : le temps qui semble se suspendre, mais qui file tout de même, et qui change tout.
A ce titre, la toute dernière scène rend merveilleusement compte de cela : cet homme (interprété par le génial Bernard Menez) qui quitta quelques jours sa morne vie, et bien voilà qu'il trouve tout bouleversé. Et il n'y a rien de mieux que la simplicité de Rozier pour filmer ça. Sur la plage, une silhouette pressée court, mais à un moment elle s'arrête, sautille et chante. On voit le temps couler sur l'écran, ce travelling virevoltant qui caresse la plage, on voit que tout a changé. Et on entend "Je suis le roi, de la samba !". C'est, dans le même geste, drôle et bouleversant. Et ça dure quatre plans, les plus beaux moments de cinéma que j'ai vu cette année.