Hitchcock entreprend une charmante pirouette dans son œuvre. Alors qu’il vient d’entamer sa période la plus prolifique en chef-d’œuvre (le temps rêvé des Fenêtre sur cour, La Mort aux trousses et Sueurs froides), adjoint de Robert Burks à la photo et tout récemment de Bernard Herrmann à la musique, Hitchcock s’aventure sur un terrain auquel le public de son époque l’identifie assez peu : la comédie.
Tout bon Hitchcock a sa dose de comédie (vous comprenez maintenant pourquoi Le Procès Paradine n’est pas un bon Hitchcock, Laughton nonobstant). Mais qui a tué Harry ?, malgré ce que peut en dire Bill Krohn, est bien plus que du théâtre joliment filmé, bon pour un téléfilm. C’est déjà davantage que du théâtre filmé pour la seule raison qu’Hitchcock y fait l’élégant usage du VistaVision de la Paramount. La structure dramatique, due à l’adaptation de John Michael Hayes, croise trois grands genres du cinéma hollywoodien. L’architecture globale est celle d’un film noir : un cadavre est découvert en pleine forêt et une bourgade en cherche l’assassin. Les articulations dramatiques sont celles de la comédie : dans cette enquête, presque chacun vient à s’accuser d’en être le meurtrier, sans tragédie ni remords mortifiants. Enfin la teneur des personnages, les relations tissées entre eux tiennent du mélodrame : deux couples (un jeune, un vieux) se forment et dressent des projets d’avenir, contre les menaces de l’assistant-shérif.
Du film noir au mélodrame, en passant par la comédie, le récit est riche d’autant de types d’évènements. Tout cela a pour décor les landes automnales du Vermont états-unien, d’une beauté semblable aux grands Sirk des années 50. Dans les comédies qu’Hitchcock réalise à cette même période, entre ce Mais qui a tué Harry ? et La main au collet, sans hésiter le premier réussit plus assurément à captiver où le second se perd dans les petites mésaventures penaudes d’un touriste.