MAL DE PIERRES (13,8) (Nicole Garcia, FRA, 2016, 116min) :


Ce mélodrame romanesque académique narre le destin de Gabrielle, jeune femme élevée dans la bourgeoisie agricole provençale des années 50, rêvant de la passion amoureuse mais poussée au mariage par la pression des parents avec José un saisonnier. Souffrant de calculs rénaux Gabrielle se voit contrainte, pour se soigner, d’aller en cure thermale où une rencontre lui fera toucher du doigt « la chose principale ». La réalisatrice française Nicole Garcia, auteure notamment du réussi Le fils Préféré (1994), du bouleversant L’Adversaire (2002) et de l’émouvant Un beau dimanche (2013) entre des fictions moins abouties nous revient avec une libre adaptation du roman Mal di pietre publié en 2006 par Milena Agus. La cinéaste aidé par son coscénariste Jacques Fieschi livre un récit très écrit à la mise en scène volontairement académique, élégante voire surannée pour coller au mieux à l’atmosphère de l’époque et de l’histoire. Est-ce vraiment un mal de filmer encore ainsi en 2016 ? Cet aspect devient tout autant un atout charme pour la psychologie des personnages et la reconstitution parfaite de l’établissement thermal et un défaut quand certaines scènes traînent bien trop en longueurs où quand la passion doit s’emparer des corps mais que la caméra reste sans feu dans le cadre. Le reproche que l’on pourrait formuler est de ne pas changer de parti pris de mise en scène du début jusqu’à la fin et l’utilisation du flash-back pas forcément moderne dans son traitement, mais incarne néanmoins la force de l’imaginaire et le dépassement de soi par rapport aux sentiments. La réalisation s’avère maîtrisée dans le cadrage, d’une très belle tenue appuyée par une splendide photographie qui magnifie les décors environnants (campagne, montagne, mer et ville) où la sensualité parfois exhibitionniste de l’héroïne se consume en attendant les braises qui viendraient réchauffer son âme et son corps. Le récit s’éloigne un peu du matériau littéraire original tout en gardant l’ambiance du roman initial. La narration à la trame assez classique s’attache à dépeindre tous les ressorts psychologiques des protagonistes de l’histoire. C’est par cette complexité et les tourments qui en découlent que ce drame parvient à nous émouvoir de façon sous-jacente sans crier gare et non pas par le biais de la musique lyrique bien trop présente dans le dernier tiers du film. Le projet est littéralement porté par l’interprétation possédée de la sensationnelle Marion Cotillard, au-delà des maux, elle transcende la pellicule par l’expressivité de son visage d’une subtilité affirmée, tout en se servant de son corps comme d’un reflet à tous ces tourments (nomination aux César obligatoire). Le personnage du militaire revenu blessé d’Indochine manque d’écriture et Louis Garrel semble trop en retrait par rapport au rôle du mari de Gabrielle joué avec beaucoup d’assurance et de subtilité par le touchant Alex Brendemühl, la révélation du film. La réalisatrice par ses choix artistiques convoque aussi bien le roman Madame Bovary de Gustave Flaubert que l’immense La Prisonnière du désert de John Ford (avec ce plan magistral de la porte de la grange) et la maîtrise délicate d’un Claude Miller ou d’un Claude Sautet en gardant son envie de filmer cette histoire à l’ancienne. Venez-vous laisser embarquer sans calcul, par la passion dans ce Mal de Pierres. Délicat, âpre, illustratif et émouvant.

seb2046
7
Écrit par

Créée

le 21 oct. 2016

Critique lue 1.8K fois

8 j'aime

1 commentaire

seb2046

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

8
1

D'autres avis sur Mal de pierres

Mal de pierres
DavidRumeaux
4

Mal de pierres !

C’est rare mais cette fois je dois le dire : je n’ai pas compris où veut en venir ce film. Alors forcément, cette critique va refléter ce que je pense d’une oeuvre pas foncièrement raté… mais qui ne...

le 19 oct. 2016

10 j'aime

2

Mal de pierres
Fritz_Langueur
8

Bien mais...

Nicole Garcia est au cinéma français des ces dernières années ce que Berthe Morisot fut au courant impressionniste, inspirante (de De Broca, en passant par Resnais, Deville, Sautet, Pinheiro, ou...

le 30 oct. 2016

10 j'aime

6

Mal de pierres
pierrick_D_
6

Critique de Mal de pierres par pierrick_D_

Provence,années 40.Gabrielle,fille de paysans cultivant la lavande,est une sorte de cinglée nymphomane qui tape des crises à tire-larigot.Ne sachant trop comment la calmer,ses parents finissent par...

le 3 oct. 2022

9 j'aime

9

Du même critique

Plaire, aimer et courir vite
seb2046
8

Jacques et le garçon formidable...

PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE (2018) de Christophe Honoré Cette superbe romance en plein été 93, conte la rencontre entre Arthur, jeune étudiant breton de 22 ans et Jacques, un écrivain parisien qui a...

le 11 mai 2018

36 j'aime

7

Moi, Tonya
seb2046
7

Wounds and cry...

MOI, TONYA (15,3) (Craig Gillespie, USA, 2018, 121min) : Étonnant Biopic narrant le destin tragique de Tonya Harding, patineuse artistique, célèbre pour être la première à avoir fait un triple axel...

le 19 févr. 2018

32 j'aime

2

La Villa
seb2046
7

La nostalgie camarade...

LA VILLA (14,8) (Robert Guédiguian, FRA, 2017, 107min) : Cette délicate chronique chorale aux résonances sociales et politiques narre le destin de 2 frères et une sœur, réunis dans la villa familiale...

le 30 nov. 2017

30 j'aime

4