Réalisé par Chris Columbus et sorti en 1990, Maman, j’ai raté l’avion (Home Alone en anglais) s’est rapidement érigé en incontournable des fêtes de fin d’année. Ce classique de Noël est rediffusé chaque année à travers le monde, au point de devenir aussi consubstantiel à la saison hivernale que les épandeuses ou les guirlandes lumineuses. Pour comprendre ce succès pérenne, il est nécessaire de se pencher sur les multiples facettes du film, allant de la nostalgie suscitée à la qualité des acteurs, en passant par sa musique emblématique et d’autres éléments peut-être moins évidents mais tout aussi primordiaux.

Une madeleine de Proust

Pour comprendre l’irrésistible attrait de Maman, j’ai raté l’avion, il est essentiel de l’appréhender sous l’angle de la nostalgie. À force de rediffusions ciblées, notamment les après-midis et les soirées précédant Noël, parfois intercalées entre les fêtes de fin d’année, ce film est devenu une véritable madeleine de Proust pour de nombreux spectateurs ayant grandi dans les années 1990. Il rappelle les Noëls de l’enfance, une période fédératrice empreinte de magie, d’excitation et d’innocence. La maison décorée des McCallister, le sapin de Noël scintillant et l’ambiance hivernale de la banlieue suburbaine de Chicago contribuent à créer un monde féerique et réconfortant. Ces impressions sont accentuées par les choix opérés en termes de lumière, d’angle et de position de caméra, qui tous semblent épouser le point de vue de Kevin – et donc d’une enfance que le temps nous invite à envisager avec tendresse.


Cette nostalgie n’est cependant pas seulement liée à l’enfance des spectateurs, mais aussi à l’époque mise en scène, post-soviétique et pré-11 septembre, marquée par une certaine insouciance culturelle. Dans son ouvrage sur la série Friends, paru aux éditions Harper Collins en 2020, Kelsey Miller rappelle à quel point il peut être apaisant de revisionner les épisodes de la sitcom NBC, qui apportent un bien-être immédiat et la sensation chaleureuse de retrouver des proches momentanément perdus de vue. Le même phénomène est à l’œuvre avec la comédie de Chris Columbus, dont on redécouvre avec joie, chaque année, les facéties, les gags et tout un panel d’émotions et de situations familières mais ô combien revigorantes. 


Les acteurs

Le succès de Maman, j’ai raté l’avion repose grandement sur ses acteurs principaux. Dans le rôle de Kevin McCallister, Macaulay Culkin nous gratifie d’une performance remarquable, qui mêle espièglerie, ingéniosité et une touche parfaitement dosée de vulnérabilité. Qu’il hausse les sourcils de manière facétieuse, hurle après avoir appliqué sur ses joues une lotion après-rasage, s’empiffre devant des films noirs peu adaptés à son jeune âge ou panique à la vue d’un voisin qu’il pense être un tueur en série, le comédien s’approprie avec brio son personnage. Joe Pesci et Daniel Stern, qui incarnent respectivement les cambrioleurs Harry et Marv, apparaissent dans un contraste comique parfait, avec leur maladresse et leurs réactions outrées. Non seulement ils tombent de manière pathétique dans tous les pièges tendus par Kevin, mais ils y ajoutent ces effets à décantation lente (plaintes, mimiques, etc.) qui en redoublent le potentiel comique. Cette dynamique entre le jeune garçon et le duo de cambrioleurs crée un équilibre entre tension et humour, essentiel dans la comédie de Chris Columbus.


La musique de John Williams

L’ancrage du film dans l’imaginaire collectif passe évidemment par la musique envoûtante de John Williams. Avec ses thèmes mémorables et une orchestration qui évoque dès le générique d’ouverture la magie de Noël, le compositeur de Star Wars et Jurassic Park réussit à accentuer les moments-clés du long métrage, qu’ils soient empreints de joie, de suspense ou d’émotion. La partition musicale est plus qu’un simple accompagnement ; elle devient une voix narrative à part entière, contribuant de manière significative à l’atmosphère générale du film.


Une affaire de fantasmes

Pôle Express, Piège de cristal, Gremlins, Le Père Noël est une ordure, La Course au jouet ou encore Le Grinch : les classiques de Noël sont nombreux et investissent à peu près tous les genres. Aucun en revanche ne parvient à donner corps à nos fantasmes d’enfance comme le fait Maman, j’ai raté l’avion. Vexé et irrité par les reproches dont il fait l’objet, Kevin souhaite voir sa famille disparaître à jamais. Il est exaucé dès le lendemain, puisqu’une panne de réveil et un départ précipité vers l’aéroport régional conduisent ses parents à l’oublier à la maison… Il s’ensuit des péripéties auxquelles un enfant de huit ans oserait à peine songer : faire de la luge dans les escaliers, voler l’argent de poche de son frère aîné, dormir dans le grand lit de ses parents, acheter tout et n’importe quoi au supermarché, engloutir des montagnes de glace devant des films d’adultes… Le Washington Post ne s’y trompait pas en annonçant, dans sa critique du film, que les facéties de Kevin ne manqueraient pas de toucher le subversif naissant en chaque enfant. Le garnement méprisé, injustement puni et négligé tient sa revanche en martyrisant deux cambrioleurs qui, au fond, l’avaient bien cherché ! C’est justement le point qu’il nous faut à présent aborder.


Les pièges : sadisme bon enfant

Des chutes spectaculaires, des brûlures sérieuses, un clou dans le pied, un fer à repasser au visage, un « emplumage » inattendu : les trente dernières minutes de Maman, j’ai raté l’avion ridiculisent les deux cambrioleurs campés par Joe Pesci et Daniel Stern. L’esprit retors et planificateur de Kevin façonne toute une série de pièges plus efficaces – et sadiques – les uns que les autres. La mécanique comique se met en marche et les gags s’enchaînent à une vitesse folle, Harry et Marvin portant de manière de plus en plus ostensible les stigmates de leurs mésaventures. Les « casseurs flotteurs », comme ils se surnomment fièrement, ne pensaient probablement pas vivre la pire soirée de leur vie en pénétrant par effraction dans une maison seulement occupée et protégée par un gamin de huit ans…

Vent debout pour la famille

Les valeurs familiales véhiculées par Maman, j’ai raté l’avion ont également leur importance dans la perception du film. Ce dernier illustre le respect, l’honneur et le soutien envers sa famille, en mettant l’accent sur l’esprit des fêtes et la gentillesse envers les autres au moment de célébrer Noël. Jugez plutôt : Kevin défend seul sa maison contre deux cambrioleurs. Il montre, par ses actes, son courage et son attachement envers son domicile et sa famille. D’un autre côté, bien que coupables de l’avoir oublié à la maison, les McCallister entreprennent tout ce qui est possible pour retourner chez eux avant Noël, malgré les obstacles qui se dressent sur leur route (incompétence des autorités, vols pleins, voisinage absent…). Le dévouement familial ne fait aucun doute et la conclusion du film en atteste pleinement. En outre, Chris Columbus a le bon goût d’écarter les aspects commerciaux de Noël pour se concentrer sur la générosité désintéressée et la solidarité, notamment via le voisin à la pelle ou la fanfare de polka.


En conclusion

Maman, j’ai raté l’avion ne saurait se résumer à une simple comédie de Noël. C’est une œuvre qui a su capturer l’esprit des fêtes de fin d’année, l’importance de la famille, les fantasmes de l’enfance, tout en offrant une expérience cinématographique riche, douce-amère et multidimensionnelle. Ses éléments nostalgiques, ses performances remarquables, sa musique emblématique et sa réalisation soignée en ont fait un film intemporel, qui, chaque hiver, est découvert pour de nouvelles générations de spectateurs, aussitôt conquises. 


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le 27 déc. 2023

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