"Live as one of them, Kal-El, to discover where your strength and your power are needed. Always hold in your heart the pride of your special heritage. They can be a great people, Kal-El, they wish to be. They only lack the light to show the way. For this reason above all, their capacity for good, I have sent them you… my only son.
- Jor-El, Superman (1978)"

Il aurait fallu 7 ans à Warner Bros et DC Comics pour ramener Superman sur grand écran. 7 longues années pendant lesquelles le studio a longuement hésité. Malgré son échec, une suite au film de Bryan Singer a d’abord été envisagée pour ensuite choisir de rebooter la franchise. Plusieurs pistes de réflexion ont été évoquées. Mais c’est finalement la trilogie Batman de Chris Nolan et son coté « réaliste » qui a poussé le studio à s’orienter vers cette voie.
Man of Steel étant d’ailleurs remboursé simplement par le placement de produits et fort du succès des premiers jours de diffusion américaine, et après avoir dansé sur un pied puis sur l’autre, le studio a déjà commandé une suite et voit désormais ce Superman comme le point de départ de la Justice League. Un Superman ancré dans le monde réel.

Adapter Superman a toujours été quelque chose de difficile. C’est étonnant car c’est finalement un super héros assez simple, invincible, presqu’un dieu parmi les hommes. Richard Donner était parvenu à donner vie au personnage et à en faire quelqu’un de charismatique. Bryan Singer continuera sur la lancée mais l’un comme l’autre seront dérangés par des scénarios virant parfois au n’importe quoi (Superman qui embrasse Lois pour la faire oublier ou qui remonte le temps en inversant le sens de rotation du globe, Lex Luthor qui a des envies immobilières). Le seul à s’en être sorti avec les honneurs, c’est Bruce Timm avec la série d’animation commencée en 96 et qui parvient à jongler aussi bien avec les différents éléments de la légende. A partir de la saison 2, le dessin animé devient particulièrement monumental.

Zack Synder, lui, commet le même genre d’erreur que ses prédécesseurs, à savoir une approche du personnage différente mais pas inintéressante mais un film plombé par des problèmes scénaristiques démentiels.

Man of Steel s’ouvre étrangement. Sur une scène d’accouchement. Sur Krypton, Lara met au monde le héros dont on va nous conter l’histoire. Et bien que vous en connaissiez déjà les origines, on va vous les raconter : Jor-El envoie son fils en direction de la Terre, Krypton est sur le point d’exploser et Zod est envoyé avec ses acolytes dans la Zone Fantôme. Introduction réussie grâce à un design global très bon et un Russel Crowe parfait en Jor-El. On se rend compte assez vite que Zack Snyder a fait des efforts, évitant les ralentis auxquels il nous avait habitué jusque là.
On enchaine directement avec Clark adulte, enchainant les petits boulots d’un coin à l’autre des USA et on découvre le héros qui sommeille en lui.

Snyder et Goyer ont voulu faire un Superman ancré dans le monde réel et le démarrage fonctionne assez bien. Après tout, quoi de plus normal à notre époque que d’entendre le père Kent (Kevin Costner, parfait) évoquer le fait qu’aucun membre du gouvernement ne s’est jamais inquiété du crash de la navette de son fils. Quoi de plus normal, du fait, que de voir Clark bourlinguer à droite et à gauche tout en mettant discrètement ses pouvoirs au service des Terriens. Ce n’est pas un homme comme les autres donc, dans un souci de réalisme, il n’avait pas à vivre sa vie comme les autres. Cette découverte du personnage sera montée en alternance avec des flashbacks sur son enfance et son adolescence, la découverte de ses pouvoirs et la volonté de ses parents adoptifs de le protéger. Certes, Snyder en rajoute en filmant des papillons en gros plan et des gouttes d’eau tombant dans un seau mais il y a quelque chose d’intéressant dans ce premier acte.

Mais une fois le personnage exposé, les problèmes vont commencer. Avec Loïs. Voulant se réapproprier le personnage de Superman, Goyer prend l’immense liberté de réécrire sa relation avec la journaliste. Les puristes hurleront au scandale. Les autres auraient pu y voir un intérêt si ça avait été correctement amené. Il faut dire que sa première rencontre avec Kal-El est assez malfoutue et sera la première incohérence notable du film. Lois Lane arrive donc dans le grand nord pour un reportage dans une base militaro-scientifique. Des hommes en uniforme sondent la glace pour tenter d’y repérer quelque chose. Et comme par hasard, c’est elle, en pleine nuit et munie d’un simple appareil photo qui va tout découvrir. Et comme par hasard, sans qu’on sache comment il a atterrit là, Kal-El est également de la partie.
Difficile d’en dire plus sans entrer de plein pied dans le territoire des spoilers mais, après une exposition réussie du personnage principal, le film se perd dans les incohérences. La trame globale se tient à peu près : Zod déboule sur Terre pour s’en prendre à Clark et parce qu’il cherche un successeur à Krypton (ce qui ne sera pas sans rappeler les envies immobilières de Lex Luthor dans Superman Returns). On va donc enchainer les scènes d’actions plus ou moins réussies et les combats ravageant des villes entières. La première grosse bataille, à Smallville, est plutôt bien faite quand le combat final sera noyé sous les mouvements de caméra, les débris et les CGI pourris pour mieux perdre le spectateur.
On doit reconnaitre à Snyder un certain sens du spectacle et l’envie de faire quelque chose d’énorme, ce que les films précédents n’étaient pas parvenus à faire. Mais il se prend les pieds dans le tapis. Quelques exemples : le vaisseau de Zod, armé, qui n’apparait que quand ça arrange le scénariste du film (soit après avoir tout détruit); le fait que Superman possède quelque chose que son ennemi convoite, quelque chose de spécial, mais qui … ne servira à rien; ou encore une histoire de machine à détruire qui peut-être, d’un coté, écrasée par Superman à la simple force de ses poings et de l’autre demande un objet supplémentaire et l’intervention de l’armée en masse. A la manière d’Abrams et de son Star Trek, de nombreux éléments de l’intrigue ne sont là que pour justifier de l’action démesurée mais ne servent finalement à rien.

A l’inverse de Chris Nolan et sa chauve souris, Snyder ne passe pas à coté de son héros. Nolan en faisait un mec en costume débutant puis préférait mettre de coté le personnage pour mieux se centrer sur d’autres choses. Le réalisateur, ici, n’oublie pas que l’homme à la cape rouge est le héros de son histoire et qu’il doit se révéler… héroïque. Si le premier acte fonctionne bien comme je l’expliquais plus haut, on finit par être saoulé des messages des deux pères du kryptoniens évoquant le fait qu’il sera un guide pour eux (ce que Marlon Brando se contente de faire en une unique phrase dans le Superman de Dick Donner, voir l’intro de cet article). La figure christique du sauveur sera martelée alors que ce n’est plus nécessaire, à base de scène où Clark se confie à un curé et de passages où il mentionne avoir 33 ans. Certes, Superman est un dieu pour les humains mais on l’avait compris depuis le début.

La volonté de faire un film réaliste oblige Snyder et Goyer à en faire quelque chose de très sérieux. De trop sérieux. Man of Steel est dénué de tout humour, à des milliers d’années lumières d’un Iron Man 3. A vouloir faire sérieux, on passe à coté des clichés essentiels qui font l’essence du personnage. Point de cabine téléphonique ni de chemise qui craque, pas de petite phrase lâchée à la personne qui vient de sauver et finalement assez peu de plans iconiques comme on aurait apprécié en retrouver. Et très peu d’émotions ressenties.

Et Hans Zimmer fait du bruit par dessus tout ça.

Au final, Man of Steel n’est pas un film raté. C’est un film qui, à l’instar de beaucoup d’autres ces derniers mois, se focalise trop sur un personnage principal (comme John Harrison, Bane, le Joker et les autres) aux dépends du reste. On ne parlera pas des personnages secondaires survolés (qui avait compris que la jeune femme qui est aux coté de Perry White est le pendant féminin de Jimmy Olsen ?) et pourtant portés par d’excellents acteurs, Richard Schiff en Professeur Hamilton en tête, mais bien de l’intrigue en elle-même. Après avoir posé les bases du personnage, l’histoire vire au n’importe quoi. Alors oui ça bouge, ça bastonne et ça casse des immeubles. Oui, Superman montre l’étendue de ses pouvoirs. Oui, c’est blindé de références à l’univers DC pour une JLA future.
Mais ça ne suffit pas.
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le 18 juin 2013

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