L'entrée et la fin du film, assez sages toutefois, se veulent malicieuses, dans l'esprit de ce qu'Andy Kaufman aurait pu faire. Il s'agit donc d'un film rendant hommage au génie comique de cet homme. C'est surtout un film sur l'illusion, le spectacle. Il y est question du show-business, d'Hollywood, de la magie du spectacle, du happening. Et de la liberté.


Au-delà du spectacle, repousser les limites de l’humour


Le personnage d’Andy Kaufman est singulier, son projet démesuré : aller toujours plus loin dans l’inattendu, mettre régulièrement le spectateur dans une situation d’inconfort, toujours être en mesure de le surprendre, de le choquer, de le duper. Au point de faire parfois de même avec ses proches. Cet homme, si l’on suit le film, ne se met quasiment aucune limite, même si ses actes, d’égocentriques, en finissent parfois à devenir fortement égoïstes.


Forman, cinéaste de la liberté


Man on the moon est aussi et peut-être même surtout un film sur la liberté, c’est d’ailleurs un point commun entre Milos Forman et Andy Kaufman : tous deux ressentent un besoin frénétique de liberté, mais aussi de la nécessité de faire un doigt d'honneur à tous ceux qui vous cantonnent à une assignation. Ce n’est pas la première fois que Forman met en scène le combat d'individus déviants ou atypiques contre une société qui voudrait les aseptiser, bref, les réduire à néant, les empêcher d'exister, d'être ce qu'ils sont au plus profond d'eux-mêmes. Forman nous propose là, à nouveau, une réflexion dérangeante sur la différence.


Car Andy Kaufman choisit de toujours surprendre, de souvent ne pas être là où on l’attend. C’est pourquoi il aime tant le direct, qui lui permet d’être libre. Au fond, c’est ça le projet de Milos Forman, comprendre ce qui peut rendre un homme libre.


C'est sans doute pour cela que la personnalité de Kaufman esquissée ici, malheureusement peu creusée, ne cesse de me fasciner, parce que je me sens souvent différent, parce que la liberté est ce que je chéris mais surtout ce que je recherche le plus, en dépit de tout ce qui tente de la réduire, et que nous acceptons, parce que c'est plus facile.


Et Forman de tenter de jouer avec nous comme avait pu le faire Kaufman (ex : la demande de Kaufman aux prostituées) : l’utilisation récurrente de champs / contrechamps permettant à la fois de voir la prestation de Kaufman et les réactions de son public, parvient à guider le spectateur et à le mettre dans la position de ceux qui « subissaient » les « performances » de Kaufman. Un peu comme les spectateurs de l’époque, nous découvrons progressivement dans le film les nombreuses impostures. On a là un film sur le pouvoir de l’illusion, qui démonte Hollywood, sa superficialité et la prédominance des nécessités du système sur la liberté des artistes. Comme c’est très bien expliqué dans le film (quoique de manière un peu trop appuyée), le show-business, c’est d’abord le business, le show n’est pas central, il n’est qu’un moyen de faire du pognon.


Andy et Jim


Milos Forman rend ainsi un vibrant hommage à Andy Kaufman, et ce, de manière kaufmanienne, avec un Jim Carey phénoménal qui, dans ce film, est Andy. La dernière scène va dans ce sens, permettant à ceux qui le voudraient, de croire que le cancer et la mort d’Andy Kaufman n’étaient qu’une immense blague. Jim Carey est tellement bon dans ce film qu’il semble presque meilleur que son aîné, quand on compare ce qui ne devrait pas être comparé, quand on voit des extraits de Kaufman. Le film comporte des scènes extraordinaires, notamment celle ou Carey/Kaufman se transforme en un Elvis plus vrai que nature.


Mais Forman, à travers ce film, permet-il vraiment de comprendre qui était ce singulier personnage, et plus encore la personne qui était derrière ? Car Kaufman reste incompris, trop insaisissable à nos yeux qui veulent tout comprendre, rationaliser. Et malgré le talent de Jim Carey, le mystère pour moi demeure, je ne comprends toujours pas qui était cet homme. Cette version un peu idéalisée d’Andy Kaufman représente-t-elle correctement l’homme qu’il fut ? Je n’ai rien trouvé sur la toile pour l’infirmer, mais je dois dire que je reste sceptique, il manque beaucoup de choses, notamment tout ce qui est de l’ordre de l’intime, pour saisir vraiment qui était cet homme. Le film, malgré la finesse de sa construction, permet au spectateur de s’interroger mais pas véritablement de comprendre. Trop de place à mon avis au spectacle, aux happenings, peu à l’homme. C’est la principale réserve que je mettrais à ce bel hommage.

socrate
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le 7 févr. 2020

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socrate

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