Toute l'alchimie de Manhattan pourrait se résumer à cette scène finale où Woody Allen, quarantenaire frêle, qui n'arrive pas plus haut qu'à hauteur des poitrines de ses compagnes, et compense son manque de charisme par un bagout au-dessus de la moyenne, part dans une course effrénée pour rejoindre son ultime refuge sentimental incarné par une jeune femme qui pourrait être sa fille. Un homme qui court après des illusions qui vont trop vite pour lui.


New York est magique. Tel pourrait être l'arrière-plan métaphysique de cette fresque intimiste tendance bobo dans laquelle le génial petit juif à la gouaille tenace et aux répliques fatalistes se débat tant bien que mal dans un espace qu'il tente d'occuper, malgré son manque d'épaisseur. En Droopy maladroit et maladif, il incarne le yuppie hypocondriaque, qui pourfend les intellos qui ne comprennent rien à Bergman et aux symphonies de Malher, il court derrière des femmes plus rapides que lui et fait au final apparaitre un personnage dont les tares font naître des charmes dont il ne semble même pas prendre conscience.


Filmé dans un noir et blanc splendide, la grande pomme est saisissante de beauté. Certaines scènes possèdent une magie picturale saisissante, je pense notamment à ce jeu d'ombres chinoises dans le musée, où ces moments de grâce où les deux amants assis sur un ban observe l'aurore naissante sur le pont de Brooklyn. La magie du cinéma ne tient souvent qu'à ces moments là.


Réflexions philosophiques et pensum Freudien dans le microcosme petit bourgeois New-yorkais doublé d'une comédie romantique visuellement bluffante, Mahnattan est avant-tout un grand film d'un tout petit homme au talent immense. Une douce rhapsodie qui pense très vite mais vise toujours juste, dominant l'espace-temps avec le génie d'un maître conférencier, Woody Allen réussit là l'une des ces œuvres uniques qui confère au cinéma toute sa beauté naturelle.

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le 25 sept. 2017

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