Marauders, Steven C. Miller, U.S.A, 2016, 1h47

Passons immédiatement sur l’interprétation médiocre de Bruce Willis, dont le charisme et le talent s’inscrivent aux abonnés absents. C’est là le seul véritable point noir de ce sympathique ‘’Marauders’’, mais heureusement il se montre très peu présent à l’écran. N’empêche, ça fait toujours un petit pincement au cœur de voir ce bon vieux Bruce dans un triste état… Il ne semble même pas prendre de plaisir, ou bien il est loin de le rendre communicatif… Bref !
Que vaut ce ‘’Marauders’’ ? C’est là la question principale. Et bien, c’est pas mal du tout. Voici ma réponse finale. Alors, pourquoi ce n’est pas si mal ? Eeeeeeeh bien, je vais vous le dire, bande d’impatients !
Pour commencer, après son ‘’Extraction’’ nul (disons-le…) Steven C. Miller semblait hésitant dans ses futurs choix de carrière. C’est pourquoi une œuvre un peu hybride comme ‘’Submerged’’ gardait encore un pied dans l’horreur, mais plaçait déjà le cœur dans l’action. Avec ‘’Marauders’’, le réalisateur semble avoir trouvé un rythme et un style vraiment définissable, témoignant d’une véritable aisance dans le genre. Il assume de A à Z son récit alambiqué et fourre-tout, parfois brouillon à force de se vouloir généreux dans la multiplication des intrigues et des enjeux.
Tapant un peu dans tous les genres du thriller d’action, Steven C. Miller convoque d’entrée de jeu ‘’Heat’’ et ‘’Point Break’’ lors d’un braquage violent, nerveusement mis en scène par une tension omniprésente. Les braqueurs utilisent les technologies à disposition pour parfaire la méthode, proposant une originalité au modus operandi du casse classique. Absolument efficace, cette scène d’introduction annonce la couleur de l’inattendu, dans un écrin pourtant bien connu de la mémoire des spectateurices.
Ensuite, le récit part dans tous les sens : Film de braquage, actioner, thriller politique, thriller tout court, flics corrompus, bandits au grand cœur [il convoque l’imagerie d’un Jesse James Robin des Bois], il tape sur les banques et un système capitaliste pourri jusqu’à la moelle, il traite de la maladie, de l’absence d’assurance aux États-Unis, du deuil, d’amitié, des dérives du pouvoir, du pourrissement par l’argent et l’ambition… Et ça n’arrête pas. En réalité, toutes les 10 minutes, ‘’Marauders’’ propose de nouveaux axes de réflexion.
Cela assemble une œuvre pour le moins très riche, puisque tout se voit brasser sur moins de 1h50. Mais c’est là aussi un problème structurel du récit : à trop vouloir parler de tout, il se perd parfois dans une intrigue toujours plus opaque. Mais ce défaut apparaît vite mineur, car dans tout ce fatras scénaristique le métrage demeure jonché de bonnes scènes d’actions efficaces et bourrines. Elles restent de plus magnifiées par la réalisation nerveuse et inventive de Steven C. Miller, qui se présente de plus en plus comme un gars qui s’éclate.
Le film a en plus la chance d’être porté par un excellent Christopher Meloni, complètement habité par son rôle, qui pousse son interprétation à la limite de la caricature, sans jamais sombrer dans le guignol. Montgomery est un haut responsable du FBI, endeuillé par la mort de sa femme, c’est un personnage fort, dur, mais à la fois brisé, qui trouve à peine du réconfort dans son job. Fortement éreinté, son conformisme à toute épreuve ne résiste pas face à ces braqueurs en série qui redistribuent l’argent à des œuvres caritatives, bougeant férocement le curseur du bien et du mal.
Montgomery sert en effet de fusible pour illustrer un monde où les ‘’méchants’’ ne sont pas nécessairement ceux auxquels on pense en premier. Le col blanc en costard, dans son building, qui incarne la réussite, représente forcément un gens bien. De fait, le braqueur un peu violent, qui vole de l’argent au Grand capital pour la redistribuer aux nécessiteux, illustre quant à lui le typique ‘’méchant’’. ‘’Marauders’’ prend ainsi la tangente de l’œuvre faussement apolitique, qui cache bien plus qu’elle ne semble montrer dans un premier temps.
Il y a dans tous les films de Steven C. Miller une légère critique sociétale, souvent très secondaire, mais toujours latente. Ici, elle s’avère beaucoup plus claire que les précédentes, plongeant même le récit dans un nihilisme qui pousse le spectateur à avoir de la sympathie pour les criminels. La brutalité des hors-la-loi ou les incartades douteuses d’officier de police borderline, n’empêche pas de tous les voir ériger en héros [tout pétés] des temps modernes. Le film bouscule son audience, en ne proposant pas un énième polar de gangster au manichéisme ennuyeux.
‘’Marauders’’ reste de la série B bourrin, mais elle se démarque d’une production massive, par une irrévérence qui fait du bien. La pensée générale diffusée, celle d’un monde en déréliction, s’appuie sur des idées formelles, comme le fait que durant tout le film, il pleut. Sans cesse, de jour comme de nuit, il pleut. C’est gris et désespéré, ce qui favorise la mise en place d’une atmosphère sombre, idéale pour arpenter les profondeurs les plus tortueuses de la nature humaine. Petit détail, qui a son importance : dans le bureau de Montgomery se trouve un drapeau américain, à l’envers…
Bien plus malin qu’il ne peut paraître, ‘’Marauders’’ s’avère un actioner qui sent bon le nihilisme et le malaise d’une civilisation sur le déclin. À la veille de l’élection de Ttrump, cette œuvre en révèle plus sur le malheur américain que nombre de projets ouvertement critique. Le tout en proposant un spectacle pulp, jouissivement gritty, cool à regarder, et qui en plus pousse à réfléchir. Peut-être le film le plus réussi de Steven C. Miller, qui parvient ici à emballer une œuvre faussement mainstream, en ayant toujours recours à une extrême violence, qui constitue le suc de son cinéma.

-Stork._

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le 9 juil. 2021

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