Mariage chez les Bodin's par Gérard Rocher La Fête de l'Art

C'est dans le fin fond du Centre de la France que vivent chichement le timide et un peu simple Christian Bodin, la cinquantaine et Maria sa mère de quatre-vingt deux ans, femme acariâtre et au tempérament plus que bien trempé. A eux deux ils essayent tant bien que mal de maintenir en activité leur ferme aussi vétuste que sale. Dans dix jours un évènement important doit avoir lieu: Christian va se marier avec Claudine qui exerce la fonction de cantinière, sa copine et de classe et de fanfare. Pour plusieurs raisons la choses ne semble pas aisée. Les deux familles se détestent depuis des lustres et la besogneuse Maria qui a élevé seule son gamin et ne roule pas sur l'or doit organiser le repas de plus Christian et Claudine bien que très amoureux l'un de l'autre ne semblent pas armés pour appréhender ce moment tant ils sont naïfs . C'est donc dans ce contexte que va débarquer un groupe de reporters d'une chaîne de télévision afin de diffuser la vie d'une famille campagnarde. Grâce à leur reportage mouvementé, nous allons assister à toutes les péripéties intervenant avant et pendant les noces.

Et oui, la vie est bien mouvementée et les rapports tendus entre Maria et Christian. Maria est une vieille femme revêche et fait office de "mère Tapdur". Malgré tout elle est une paysanne pleine de bon sens, aguerrie aux dures réalités de la vie et ne pouvant compter la plupart du temps que sur elle-même. Frêle et bossue, elle ne rechigne devant rien même devant les tâches les plus ingrates allant jusqu'au braconnage. La vie est dure lorsque l'on ne possède que quelques chèvres et cochons et que la principale source de revenus provient des produits de la fromagerie à l'hygiène sordide. Christian, le fils, qui a passé cinquante ans auprès de sa mère s'occupe, si on peut dire de l'entretien des lieux. Il est un peu benêt et timide et pour lui, tout va changer puisqu'il va parler ouvertement de sa flamme pour Claudine sous l'œil des caméras. Celle-ci n'est pas plus hardie que son ami mais elle désire malgré sa timidité notoire à créer une famille. De plus cet évènement parviendra peut-être à réconcilier deux familles farouchement ennemies suite à un problème de terre. Toutefois les préparatifs du mariage ne vont pas se passer sans péripéties face au curé par exemple et la noces sera assez mouvementée de l'église au banquet. Au milieu de tout cela Maria qui n'a pas été épargnée par la vie se lâche lorsque les durs souvenirs de la mort de son mari tombé du clocher de l'église lui reviennent. Face à sa machine à coudre, elle ressasse son passé en réparant la robe de mariée de Claudine.

Pour sa quatrième réalisation, Eric Le Roch nous a confectionné un petit bijou de film aussi drôle que nostalgique. Grâce à cette idée de journalistes venant investir durant dix jours la ferme, le film est construit sous la forme d'un reportage. Les personnages sont présentés en sous-titre au fur et à mesure de leur apparition. Cela permet de nous plonger dans l'intimité de ce petit village au sein duquel vivotent Les Bodin's. Les personnages de ce "reportage" sont parfaitement crédibles et les situations décrites dans ce milieu de la France profonde sont franchement touchantes. L'interprétation est tout à fait sublime. En effet, Jean-Christian Fraiscinet en fils étouffé par sa mère et d'une naïveté peu commune est remarquable. Il sait nous faire beaucoup rire mais aussi nous émouvoir par ses maladresses. Ses rencontres avec sa future épouses nous réservent des moments croustillants et de franche hilarité. Vincent Dubois est lui aussi remarquable dans ce rôle de Maria, vieille paysanne maigre et bossue avec son éternel foulard sur la tête, toujours prête à laisser libre court à son naturel colérique d'associable marâtre. Mais elle sait aussi être courageuse et débrouillarde, laissant aussi entrevoir un cœur pas si dur que cela et même emprunt d'une certaine bonté. Claudine incarnée par Muriel Dubois garde son visage continuellement dans le flou à l'image de sa pudeur. Cette titulaire du pupitre de la grosse caisse de la fanfare du village nous fait certes beaucoup rire mais elle dégage par sa timidité naturelle et son complexe de femme forte beaucoup de tendresse. Elle amène une sorte de sérénité par rapport à sa famille très vindicative et retranchée dans des querelles ancestrales. A remarquer également l'apparition tonitruante de Pierre Aucaigne sans le rôle du cousin Momo, un garçon pas très normal et survolté. Le reste de la troupe est remarquable, chacun étant parfaitement à sa place dans son personnage. Le scénario d' Eric Le Roch, de Vincent Dubois et de Jean-Christian Fraiscinet nous offre des réparties assez irrésistibles et brillantes .

Ce film nous réserve, boutade ou non, une suite grâce à l'heureux évènement issu de cette union. Le titre que l'on nous délivre lors des dernières images est d'ailleurs assez équivoque et nous rappelle curieusement celui d'une oeuvre au succès mémorable. J'ose espérer que cette réalisation connaîtra le même sort car elle mérite franchement d'être découverte. Les Bodin's sont excellents sur scène, mais au cinéma c'est quelque chose ! Je termine ce billet en félicitant la talentueuse Michèle Bernier, l'heureuse marraine de ce duo décapant !

POUR VOUS DONNER UNE IDEE DU FILM :
https://www.youtube.com/watch?v=4n9XGZms0S0