Marina, la Petite Sirène
7.4
Marina, la Petite Sirène

Long-métrage d'animation de Tomoharu Katsumata et Tim Reid (1975)

Princesse de la malchance, la vie ne commencera pas pour ton Prince et toi

Marina, la Petite Sirène est une preuve flagrante que les happy-ends n'existent pas.

En effet, dans la version Disney si Ariel est parvenue à se faire aimer d'Eric, quatorze ans plus tôt, la version de Toei Animation nommée Marina a échoué n'ayant pas réussi à se faire aimer du Prince non-nommé. Ce qui la conduit vers un chemin fatal.

Respectant le conte d'Andersen, Marina, la Petite Sirène se termine sur une fin tragique où les Princes et les Princesses ne vivent pas heureux et n'ont pas beaucoup d'enfants et, surtout, dont les sentiments ne sont pas réciproques.

Et ce conte-là est bien pire que ceux du même auteur.

En effet, dans la plupart des contes d'Andersen comme Le Stoïque Soldat de Plomb ou encore La Bergère et le Ramoneur, les protagonistes sont, également, condamnés à mourir prématurément.

(brûlés dans un feu de cheminée, sont cassés)

Mais, dans ces derniers, leur amour était réciproque, ce qui, en quelque sorte, adoucissait leurs sorts car aucun des deux ne finissait ses jours seul sans l'être aimé dans une tristesse infernale.

Ce qui n'est pas le cas dans La Petite Sirène. Les sentiments de cette dernière envers le Prince n'étant pas réciproques, celle-ci, non seulement meurt, mais finit délaissée condamnée à vivre ses dernières heures dans le désespoir.

Chose encore pire que dans La Petite Sirène: là où dans le conte d'Andersen, le Prince reste convaincu que sa nouvelle épouse l'a sauvé, dans Marina, la Petite Sirène celui-ci finit par comprendre que Marina est sa véritable sauveuse juste après que cette dernière ait trépassée; ce qui le condamne à passer le reste de sa vie avec une femme pour qui il pensait avoir des sentiments alors, qu'en réalité, il en aimait une autre perdue à jamais.

Mais en dehors du respect du conte de base, que vaut le film Marina, la Petite Sirène en lui-même?

Pour commencer, l'oeuvre datant des années 70, l'animation est minimaliste et, par conséquent, a mal vieillie. Ce qui n'empêche pas le film d'être visuellement très beau. Contrairement à la version Disney où les couleurs sont à la limite du kitsch et où la faune et la flore sous-marines un peu trop lisse voire géométrique, la version de Toei Animation nous montre un film aux couleurs sobres ainsi qu'une faune et une flore "presque" plus réaliste rendant ainsi un monde marin plus crédible renforçant ainsi l'authenticité du cadre spatio-temporel. Le semblant de réalisme se ressent également à la surface que ce soit à la surface ou sur la terre ferme où l'on a l'impression de voir des vêtements d'époques alors que dans la version Disney, les tenues des personnages n'étaient pas en accord avec l'époque des Princes et des Princesses.

Maintenant, parlons de l'atmosphère du film. Contrairement à celle de Disney où tous les personnages sont gentils ou méchants, l'atmosphère de la version Toei Animation est loin d'être manichéenne : les personnages ne se font pas volontairement du mal les uns envers les autres, ils croient prendre les bonnes décisions mais se trompent.

Sans compter le fait que contrairement à la méchante Ursula, la sorcière des mers, bien qu'effrayante et un peu sadique...

...le seul moment du film où on voit une faune et une flore marines plus réalistes du toute avec des plantes carnivores irréalistes...

...est neutre, présente uniquement pour donner aux gens ce qu'ils veulent mais pas ce dont ils ont besoin.

Puisqu'on parle de la sorcière des mers, penchons-nous sur les autres personnages. La famille de l'héroïne n'est pas mémorable: les soeurs de Marina sont juste des taquineuses pas très sympathiques envers leurs cadette et le père est juste un parent-figurant.

Ce qui est dommage car, dans le conte, l'une des soeurs s'était démarquée des autres en se montrant plus casse-cou que le reste de la sororie celle-ci osant aller de la mer aux rivières et voir des enfants de près.

La seule qui se démarque un peu, c'est la grand-mère de l'héroïne, figure maternelle bienveillante et aimante envers cette dernière.

Les humains, eux, à part le Prince sur lequel nous reviendrons plus tard, ne sont également pas mémorables non plus que ce soit l'aimante servante corpulente, une espèce de chancelier ou les parents du Prince ces derniers étant limités à des bornés traditionalistes empêchant le Prince de faire ce qu'il désire; bien loin de la figure paternelle du Roi Triton de la version Disney commençant avec ce même comportement borné n'écoutant pas les désirs de sa fille mais finissant par réparer ses erreurs en la laissant vivre sa propre vie.

Quant à la future épouse du Prince, rivale de l'héroïne, celle-ci n'a aucun caractère se limitant à être le symbole d'une impasse menant la protagoniste à sa perte.

Mais en dehors des humains et des sirènes, qu'en-est-il des personnages non-humains?

En effet, Marina, la Petite Sirène a choisi d'inclure des animaux parlant absents du conte original dans son scénario.

Le premier est un chat fort peu sympathique pas très utile à l'histoire à part le fait de représenter pour la énième fois une vision faussée des félins souvent montrés comme des fourbes de manière injustifiée. Peut-t-on aller jusqu'à parler de chatisme?

Le deuxième, bien plus touchant, est un poisson sidekick de la sirène nommé Fritz. Personnage assez peureux, il n'en devient pas moins courageux quand il s'agit d'aider Marina se mettant dans des situations périlleuses pour l'aider.

Tiens, tiens, ça ne me rappelle pas du tout un certain poisson jaune aux rayures bleues ça?

Maintenant que nous avons parlé des personnages secondaires, concentrons-nous sur les personnages principaux.

Le Prince est à la fois ennuyeux et intéressant. En effet, alors qu'il peut sembler être fade au premier abord, il est surtout montré comme un être assez simplet à la fois attentionné et apathique ne se rendant pas compte du mal qu'il fait à Marina ne cessant de lui répéter qu'il semble avoir des sentiments pour elle tout en disant qu'il n'arrive pas à oublier sa prétendue sauveuse.

Et pour finir, penchons-nous sur l'héroïne elle-même. Avant d'en parler moi-même, je vous laisse ici une petite description de sa personnalité

https://www.youtube.com/watch?v=sql5jXhWE34

Marina est assez proche de la sirène du conte voire plus intéressante que cette dernière. En effet, alors que l'héroïne de base attendait sagement sa majorité pour monter à la surface et soupirait pendant des années avant le jour j, Marina, elle, est espiègle défie l'autorité parentale en allant à la surface clandestinement avant d'avoir l'âge requis. Elle est curieuse et ne manque pas de courage allant jusqu'à sauver un humain dans une tempête tout en sachant que les humains sont effrayés par les êtres hybrides et voulant agir uniquement selon ce qui lui paraît juste même si c'est au prix de décisions dangereuses.

Mais en dehors des personnages, qu'en-est-il de leurs interprètes? L'interprétation générale est vraiment appréciable. La meilleure voix est Flora Balzano rendant Fritz presque plus vivant que les autres personnages. Chacune des émotions autant comiques que tragiques se ressentent à chacun de ses mots au point que celui-ci paraît bien plus humain que les humains eux-mêmes.

En ce qui concerne Jacques Brouillet en Prince, c'est plus délicat. Il joue de manière un peu "déséquilibrée" sa voix alternant souvent entre le monotone et l'implication sincère entre plusieurs scènes mais reste largement appréciable en particulier durant les scènes exigeant de grandes émotions.

Parlons maintenant de la voix de Marina. Cette dernière est l'un des rares points noirs du film. En effet, contrairement à Jacques Brouillet qui a des moments trop monotones, Nicole Fontaine surjoue l'ingénue avec une voix bien trop aigu limite blancheneireuse. Ce qui ne colle pas du tout au personnage qui est censée être espiègle, curieuse et courageuse. On parle quand même d'une héroïne courageuse allant jusqu'au sacrifice d'elle-même préférant se laisser mourir plutôt que de commettre un meurtre monstrueux.

Le seul moment où Nicole Fontaine est vraiment convaincante est durant le monologue de fin où Marina attends tragiquement et, surtout, patiemment sa mort dans l'acceptation la plus macabre qui soit.

Et oui! En tant qu'adaptation fidèle, la mélancolie noire du conte ne nous est pas épargnée, ce passage ayant sûrement arraché des sanglots à ceux l'ayant vus d'autant plus que cette oeuvre est tout public. Avoir osé faire un film d'animation familial avec une fin aussi morbide prouve que les scénaristes ne prennent pas pour les enfants pour des être fragiles à qui on ne peut raconter que des histoires joyeuses avec des happy ends en leur apprenant que le monde n'est pas tout rose et qu'il faut parfois faire face à la réalité.

Après, cela-veut-il dire que TOUS les enfants peuvent voir ce film? Non.

L'âge approprié pour le visionner serait plutôt huit ou neuf ans afin de ne pas traumatiser les plus jeunes n'étant pas encore prêt à des histoires aussi tristes et fatalistes que celle-ci.

A vous de choisir qui peut ou non voir cette oeuvre jolie mais tragique!

BlackBoomerang

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