Un titre déroutant pour un film qui ne l'est pas moins

Elle a longtemps vécu dans l’ombre de ses sœurs Mary-Kate et Ashley, en participant à quelques-uns de leurs téléfilms sous son surnom Lizzie. Désormais, tout Hollywood la réclame ! Et pour cause, après l’avoir vue récemment à l’affiche du remake US d’Old Boy et de Godzilla, elle répondra également présente au casting d’Avengers 2 (son rôle ayant déjà été entraperçu dans la séquence post-générique de Captain America : le Soldat de l’Hiver). Mais sa notoriété, Elizabeth Olsen la doit à un seul film. À son tout premier rôle sur grand écran. Un long-métrage indépendant, loin du faste des studios, qui a fait fureur au Festival du film de Sundance 2011 (notamment récompensé par le prix de la meilleure mise en scène), et qui a su dévoiler le talent d’une toute nouvelle comédienne. Retour donc sur Martha Marcy May Marlene, un drame qui vaut le détour.

Pourtant, le pari n’était pas gagner d’avance pour Elizabeth Olsen. En effet, une « débutante » comme elle, voulant à tout prix piquer la vedette à ses frangines (dont on n’entend plus parler, soit dit en passant) en portant littéralement un film sur ses épaules : le projet pouvait tout aussi bien fonctionner que se casser la figure. Heureusement, la comédienne s’en sort avec énormément de talent. Un talent que personne n’avait vu venir et qui en avait surpris plus d’un à sa sortie. Montrant qu’on peut très bien s’appeler Olsen et faire autre chose que de la nunucherie style Hannah Montana. Cette chère Lizzie crève l’écran, tout simplement. Son charme, son naturel… sa prestation dans son ensemble surpasse amplement celle de ses complices (John Hawkes, Sarah Paulson, Hugh Dancy, Christopher Abbott…), qui nous paraissent secondaires. Bluffante de bout en bout, elle donne vie à son personnage avec beaucoup de crédibilité, à tel point que son jeu aide le spectateur à entrer dans l’histoire du film, déjà bien captivante sur le papier.

Bien que Martha Marcy May Marlene soit considéré comme un drame, il ne faut pas s’attendre à un tire-larmes ou à un mélo ayant pour but de titiller la sensibilité sensibilité du public. Au lieu de cela, le film de Sean Durkin flirte avec le thriller psychologique, en mettant en place un suspense et ce dès le début du film. En effet, le long-métrage démarre par notre héroïne qui fuit un groupe, une communauté, une secte… on n’en sait rien ! Et quand elle va trouver refuge chez sa sœur, des souvenirs en flash-backs, vont être livrés petit-à-petit pour tenter d’aider le spectateur à comprendre le personnage : pourquoi est-elle partie pendant 2 ans ? Pourquoi a-t-elle fui ce fameux groupe ? De quoi a-t-elle peur ? Tant de questionnements qui vont forger la paranoïa de l’héroïne, qui ne va plus trop faire la différence entre la réalité et le passé.

Une trame pour le moins intéressante mais qui se retrouve embellie de la plus belle des manières par le réalisateur : plus les fameux souvenirs envahissent l’esprit du protagoniste, plus ils vont s’encrer dans sa réalité. Cela, Sean Durkin le montre en filmant deux séquences se passant à des temps différents mais cependant identiques : , par exemple, l’héroïne s’apprête à sauter d’un bateau pour plonger dans l’eau, et quand elle se lance enfin, elle se retrouve avec les membres de sa «secte ». Des passages réalité/souvenir d’une rare fluidité qui peuvent frustrer au début mais auxquels il n’est pas difficile de s’habituer. Et comme le scénario place le public du point de vue du personnage, il peut, lui aussi, se demander si la plupart des informations qui lui sont dévoilées se sont véritablement arrivées ou s’il ne s’agit que de l’imagination due à l’angoisse (pour ne pas dire folie) de l’héroïne. Certains pourront également se demander lequel de ces trois prénoms (Martha, Marcy May ou Marlene) est la véritable identité de cette dernière. Si l’histoire du film nous le précise, cela n’empêche pas ce doute.

Enfin, comme si cela ne suffisait pas, Sean Durkin installe peu à peu dans son film une ambiance qui, justement, pourrait définir l’état d’esprit du protagoniste. Même si c’est au spectateur de se faire une idée, notamment via la dernière séquence du film (un plan qui se termine comme tel, de manière brusque, qui peut laisser sur sa faim). Quoiqu’il en soit, le réalisateur, en commençant par filmer des plans de campagne et de belles maisons pour continuer dans la noirceur, créer une atmosphère de paranoïa envoûtante et entraînante. Qui aide à faire douter sur la véracité des souvenirs de l’héroïne sans pour autant ôter le fait qu’elle peut être en grand danger à tout instant. Une maîtrise qui n’a pas volé ses nombreuses nominations et récompenses.

Attachant, passionnant mais aussi troublant, Martha Marcy May Marlene est un film à voir. Pour sa mise en scène et son actrice principale. Il serait même obligatoire de faire découvrir ce long-métrage, qui n’a pas su rembourser l’intégralité de son budget (moins de 4 millions de dollars dans le monde pour un budget de 10 millions) à cause de son statut de film indépendant. Même si les plaisirs coupables existent et que certains blockbusters valent le détour, il serait temps que le grand public se détournent d’Hollywood pour se pencher sur d’autres projets, certes moins imposants, mais pouvant être bien plus puissants qu’un divertissement aux moyens pharaoniques.

Créée

le 29 oct. 2014

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