Matar a Dios est le deuxième film que je regarde en peu de temps, après Yes, God, Yes (2019), où la religion a une part plus ou moins importante dans l’histoire. Qu’on soit clair tout de suite, j’ai également aimé Matar a Dios. Car comme dans Yes, God, Yes, la religion est traitée sous un angle inhabituel. Et pour l’athée jusqu’au bout des ongles que je suis, c’est ce qu’il me faut. Mais c’est quoi Matar a Dios ? Il s’agit du premier film d’un duo de réalisateurs, à savoir Caye Casas, écrivain et illustrateur, et Albert Pinto, professeur à l’ESCAC et réalisateur de publicités, qui après plusieurs courts métrages se lancent dans le long métrage. Avec succès puisque Matar a Dios a remporté le Prix du Public au Festival International du Film Fantastique de Sitges en 2017. Cela ne nous dit pas plus ce qu’est Matar a Dios… Attendez, j’y viens…


Disponible chez nous uniquement en SVOD (sur Freaks On à l’heure où j’écris ces lignes), Matar a Dios nous présente un couple en crise en train de cuisiner le repas pour la soirée du nouvel an. En effet, le mari, Carlos, semble avoir des doutes sur la fidélité de sa femme Ana depuis qu’elle a reçu un SMS de son patron disant que c’était la meilleure nuit qu’il avait passé. Lorsque le père et le frère de Carlos arrivent à la maison, ils vont tenter de garder leur grief de côté pour essayer de passer une bonne soirée. Mais le déroulement de ladite soirée va être perturbée par l’irruption d’un individu étrange dans la bâtisse, un vieux monsieur de petite taille, sale, à la barbe hirsute. Ce dernier leur explique qu’il est Dieu, et qu’à l’aube, toute l’humanité s’éteindra, que seules deux personnes survivront et que c’est à eux de voter et de faire le bon choix au sujet de ces deux personnes. Rapidement, ils se rendent compte que ce soit disant « Dieu » peut saigner, et donc que potentiellement, il pourrait mourir. D’où le titre espagnol, Matar à Dios, et le titre anglais, Killing God, signifiant « Tuer Dieu ». Les deux réalisateurs vont immédiatement soigner leur ambiance. Le personnage de « Dieu » est des plus intrigants, la grande maison est lugubre, la nuit très pluvieuse, et la bande son est parfois étrange, avec des bruitages à base de voix étranges. L’ensemble donne au film un côté parfois baroque des plus plaisants. La mise en scène est d’ailleurs à saluer, surtout pour un premier film, avec de beaux cadrages et un joli travail sur l’éclairage. Notons également, comme cité précédemment, un gros travail sonore, tantôt pour donner de la lourdeur à l’ambiance, tantôt pour donner un côté décalé. Car oui, Matar a Dios est avant tout une comédie, qui va jouer à fond la carte de l’humour noir assez grinçant, voire cynique, nous rappelant le cinéma de Alex de la Iglesia, aussi bien dans le ton que par certains personnages.


Ces personnages, ils sont d’ailleurs une des forces du film. Si on enlève l’introduction, peu utile, ils sont au nombre de cinq. Nous avons d’abord Carlos, le mâle chauvin endurci, qui pense que sa femme l’a trompé ; sa femme Ana, hypersensible et qui a peur du changement ; Santi, le frère suicidaire au cœur brisé ; le père des deux hommes, veuf depuis peu, qui a décidé de profiter de la vie (putes, alcool, …) jusqu’à sa mort ; et donc « Dieu », du moins à ce qu’il dit, qui aime les voir souffrir. A travers ces personnages lambda, parfois attachants, parfois pitoyables, c’est l’humanité de manière générale qui est passée au vitriol. En mettant ses personnages face à un dilemme moral le temps d’un « vote », on nous parle de trahison, de confiance, de priorités, de croyance, d’égoïsme, … Un bon nombre de failles de la nature humaine sont ici exposées en l’espace de 1h30 dans un film qui va mélanger humour, horreur, et réflexion, et qui va fonctionner à 200% grâce à des dialogues très bien écrits et des acteurs qui se donnent à fond. Matar a Dios est plus malin qu’il n’y parait, dévoilant toute son ingéniosité au fur et à mesure qu’il avance, arrivant même à instaurer de vrais moments d’émotion (le passage sur le balcon, le dernier plan), n’oubliant jamais son humour, jusque dans le final versant gentiment vers le gore. L’ensemble est rythmé malgré l’absence totale d’action. On notera quelques longueurs malgré tout juste avant le final mais les réalisateurs savent dynamiser l’ensemble quand il le faut et utilisent très bien l’espace (il s’agit d’un huis-clos) pour qu’on ne ressente pas une quelconque redondance dans les décors. Matas a Dios est surprenant jusqu’à sa toute fin, et oui, c’est clairement un petit film à voir.


Matas a Dios est une très bonne surprise qui prouve que, même avec un micro-budget, quand on a un minimum de talent et de bonnes idées, on peut faire quelque chose de vraiment réussi. Si vous aimez le cinéma de Alex de la Iglesia, Matar a Dios devrait vous plaire.


Critique originale avec images et anecdotes : DarkSideReviews.com

cherycok
8
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le 24 mars 2022

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cherycok

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