Là où les épisodes précédents suivaient la découverte d’une certaine confiance en soi par Néo (l'élu) et questionnait par là son parcours entre destinée et choix contraints ; ici il est clairement question de foi.


Et pas une foi un peu abstraite hein.

Non du bon christique, du bon martyr et du bon élu avec un coulis de Bouddha accompagné des restes New Age de Reloaded pour accompagner.

Ca, j’ai pas aimé.

Je trouve même cet aspect objectivement de mauvais goût.


Mais la question de la foi au cinéma m'intéresse. Parce que, pour m’y abandonner, chaque film sollicite ma crédulité.


Alors ce Matrix Revolutions : Est-ce qu’on y croit ?

GUERRE

S’il y a bien quelque chose de réussi dans Matrix Revolutions, c’est la guerre.


Enfin ça pète entre les machine et Zion dans une scène de bataille apocalyptique du film, où les machines pénètrent la cité souterraine des humains, déclenchant une attaque de Sentinelles mécaniques.


La réalité de la bataille elle-même s’impose comme jamais dans l’univers simulacre de Matrix. A l’inverse de Reloaded, les scènes d'action sont imprégnées d'effets spéciaux mais l’hybridation semble bien plus homogène. La poussière, le chrome patiné et le sang se mélangent aux nuées de pieuvres en effets numériques dans un ballet métallique et organique assourdissant. Les corps enchâssés dans les mechas sont crédibles et je suis resté hypnotisé par ces mouvements saccadés.


La conduite de la bataille sur 3 espaces différents, jouant sur la verticalité et les niveaux des quais / responsabilité fonctionne très bien. On est emporté par la convergence des actions des différents fronts jusqu’à l’ouverture salutaire de la porte.


La bataille de Zion restera l’une de mes scènes de guerre préférée.

Ce qui provoque un déséquilibre avec le reste du film, mais aussi avec Reloaded.


Avant, les passages dans le réel (Zion), c’était au mieux des dialogues chiants et au pire des gimmicks gênants (l’orgie me pique encore les yeux).


Ici c’est l'attaque de Zion par les machines qui est une scène d'anthologie, intense et viscérale, qui captive véritablement le spectateur.


En revanche, le combat final entre Neo et l'agent Smith dans la Matrice, bien qu'impressionnant visuellement, est en deçà de ce qui avait été montré précédemment dans Matrix Reloaded.


La grâce visuelle des joutes Matrix premier opus n’est plus au rendez-vous. C’est la castagne crado et la réalité de la guerre qui prend le pas.


CROIRE EN L HOMME

Cette prise dans le réel, on l’apprécie également via le voyage de Neo et Trinity dans le vaisseau Logos, car cela ajoute une dimension géographique concrète à l'univers de Matrix.


Mais c’est aussi là, quand les 2 amoureux se retrouvent, que l’on prend pleinement conscience du manque d'attachement aux personnages.


Et retournement de cerveau : alors même que le film prétend parler d’une histoire d’Amour qui permet de briser les boucles du destins et des non choix, je me rends compte que mon admiration pour le film se limite principalement au triomphe technique qu'il représente, plutôt qu'à son pouvoir émotionnel.


Plus le film approche de sa conclusion, plus le désintérêt pour le sort de Neo, Morpheus, Niobe et les autres est flagrant. Comme on peu se demander après quelques années ce qu'on pouvait aimer chez un.e ex.


Je me suis davantage investi dans le destin des combattants quasi anonymes de la bataille de Zion.


Déception qui contamine également la façon dont le personnage d'Agent Smith est traité dans les suites. Le personnage n'a pas suffisamment de cohérence et son rôle dans le troisième film est une répétition améliorée de sa confrontation avec Neo dans le premier.


Je parle même pas du Mérovingien qui me fait tellement de peine que j’avais envie de détourner le regard de l’écran face à tant de gênance dans sa séquence totale hors sol qui se clos en WTF tout pourri.


Le film perd ses personnages pour une raison simple : l'histoire tourne autour d'humains occupant un monde créé par des ordinateurs, tandis que le film lui-même est un monde créé par ordinateur pour les acteurs.


Et c’est sur ce pari qu’il se viande.


PAIX

Enfin, sur ce pari mais aussi sur sa première heure qui se révèle un véritable supplice.

La première heure, c’est les limbes de ce quai de métro ou Néo est enfermé seul comme un con.


Néo c’est nous. A patienter au milieu du vide des acteurs qui savent pas ce qu’ils foutent là.

Ca parle en boucle pour raconter de la merde qu’on a déjà entendu.


++++++++++++++++++++++++++++

Apparté : Il y a 1 instant à sauver de cette première partie.

Le rire de l’agent Smith.

Là il se passe un truc. Le film a su me sortir de mon engourdissement agacé pour ouvrir une nouvelle émotion plus de l’ordre de l’étonnement et du désespoir.

Qu’est-ce que c’est que ce plan ? Quest-ce que ça dit ?

J’en sais rien mais un moment je me suis senti vivant.

++++++++++++++++++++++++++++

La Paix décrétée à la fin de Matrix Revolutions, c’est une fin déceptive.

A laquelle on a du mal à croire.


Comme on a du mal à croire encore les aphorismes et le jeu des comédiens.

La résolution finale du film manque de clarté en ce qui concerne les motivations de Neo et la signification philosophique et spirituelle de ses actions.


Il aurait été préférable de donner au public une meilleure compréhension des choix faits par Neo et des conséquences de ces choix. Les dialogues sont longs et creux mais ne permettent pas de vraiment comprendre le comportement des personnages.


L'action est plus parlante que les mots. On est au cinéma bordel.

Les actions définissent les personnages et les relations entre les personnages de manière beaucoup plus puissante que les dialogues et les références obscures.


Et là c'est le néant. Nous sommes de vrais spectateurs laissés sur le côté à qui on explique que pouf maintenant c'est la paix c'est comme ça et c'est la fin.


Mais cette Résolution, elle a l’avantage de nous la foutre la paix.

Nous sommes enfin libérés d’enjeux et de conflits qui ne nous concernaient plus.

Nous sommes même soulagés pour Keanu Reeves et Carrie Ann Moss qui plan après plan deviennent davantage inexpressifs et à côté de leurs pompes.



LA ROUE IMMOBILE

Alors que dit vraiment Matrix de la foi ?

Matrix : les Symboles

Dans le premier film, Neo découvre que sa vie "normale" est en réalité une construction de l'ordre symbolique appelée la Matrice. Cette révélation remet en question la réalité telle qu'elle est perçue et acceptée par les personnages. Neo est confronté à un choix symbolique lorsque Morpheus lui présente les pilules rouge et bleue. Ce choix symbolise la liberté et la connaissance (pilule rouge) par opposition à l'ignorance et à l'illusion (pilule bleue).


Matrix Reloaded : le Réel

Le réel est présenté comme indépendante de toute représentation symbolique. Dans le deuxième film, Neo rencontre l'Architecte, qui lui explique que sa vie est le résultat d'une anomalie dans l'équation mathématique de la Matrice. L'Architecte représente une perspective rationnelle et déterministe, considérant le réel comme un système précis et équilibré. Il rejette l'idée de libre arbitre au profit d'une vision où tout est prédéterminé.


Matrix Revolutions : L’imaginaire

L'imaginaire, c'est la croyance des autres personnages en "L'Élu" (The One), le rôle de Neo dans la prophétie de l'Oracle. La foi en "L'Élu" est un élément central de l'intrigue des films. Les personnages accordent une foi aveugle à cette idée, même en l'absence de preuves concrètes. Cela souligne la nature essentiellement imaginaire de la croyance, qui peut exister indépendamment de la réalité matérielle.


Ce qui est vendu par la trilogie Matrix, c'est l'exploration des thèmes de la réalité, de la croyance et de la liberté avec des guns et de la tape. Les choix symboliques, les croyances imaginaires et les confrontations avec le réel remettent en question les certitudes des personnages et du spectateur.


C’est ce qui me travaille depuis le premier film : Les Matrix parlent beaucoup mais montrent autre chose que le discours ouvertement déroulé. Y compris sur ce 3ème opus bondieusard.


La trilogie Matrix propose non pas tant une réflexion platonicienne sur la nature de la réalité qu'il questionne l'influence des croyances sur nos choix et notre perception du monde.

S’échapper du rêve d’un autre et gagner son indépendance, objectif du premier film, est peut être vain.

Car d’un point de vue existentialiste, se retrancher dans nos propres rêves c'est aussi se noyer dans le néant.


Nous n’avons pas la foi, ce sont les croyances qui nous possèdent.


MATRIX RESOLUTION

L’expérience de la trilogie Matrix trouve avec Revolutions sa Résolution.


Cette expérience a épuisé trop vite le crédit de foi que je pouvais accorder. Mon capital Suspension consentie de l'incrédulité disponible.


Néanmoins, les qualités de Matrix en tant qu’oeuvre dépassent son récit et même son cinéma.

Matrix Resolution c’est fermer la parenthèse d’un objet protéiforme qui aura eu le mérite de réhausser le niveau d’exigence dans le respect par les grands studios envers leurs spectateurs, réinjecter du sérieux dans les films à grand spectacle, proposer de nouvelles esthétiques et grammaires dans des arts de plus e n plus hybrides.


Matrix restera un jalon du cinéma occidental. Un faux prophète malgré lui.


Dlra_Haou
6
Écrit par

Créée

le 7 juin 2023

Critique lue 20 fois

Martin ROMERIO

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