Présenté hors compétition à la 72e Mostra de Venise de 2015, Mauvaise graine (Non essere cattivo) reste un film un peu trop sage pour son sujet, déjà peu original. Une tentative de constat social d’une jeunesse perdue.


Ce métrage s’incrit dans une trilogie commencée en 1983 avec Amore tossico et en 1998, avec L’odore della notte.


Claudio Caligari, également auteur de plusieurs documentaires sur le monde de la drogue filme la plage d’Ostie, banlieues ouvrières, chômage, maisons abandonnées, l’ambiance est là.
Une Italie des années 90 bien retranscrite dans sa lumière souvent terne pour cet univers de désœuvrement et de misère, de saleté et de vies qui s’échouent. Un constat social amer où le trafic de drogue permet de faire vivre sa famille et rappelle à l’actualité de nos banlieues, à ces « petites entreprises » qui font tourner l’économie et renvoie à une facilité réconfortante. Une scène viendra confirmer l'aliénation par le travail alors que Vittorio, heureux de retravailler sur un chantier, est ramené par sa compagne à la précarité du travail et à la dure réalité économique.
Une mise en scène classique mais rythmée et une musique qui accompagne les situations particulièrement bien choisie, une caméra qui capte à merveille les expressions et renforce l'empathie, des scènes nocturnes pointant la désillusion et parfois un aspect documentaire permet de passer un bon moment cinématographique même si l’aspect sociologique et culturel laisse un petit goût d’inachevé.


On pense au film Gomorra de Matteo Garrone mais qui avait pour lui de pointer plus franchement la tragédie.


Vittorio (Alessandro Borghi -Suburra de Stefano Sollima) regarde, impuissant, la descente aux enfers de son ami Cesare (Lucas Marinelli -La Grande Bellezza et récemment -On l’appelle Jeeg robot). Deux acteurs qui portent le film.


Le cinéaste appuiera son propos en accentuant les difficultés de ces deux protagonistes, entre drogues, petits larcins, sorties et alcool, avec les relations difficiles de leurs histoires d’amour, la maladie incurable de la nièce de Cesare et tous ces thèmes finiront par amoindrir la portée du message et ne seront finalement pas assez approfondis non plus.


Un grand regret concernant les deux personnages féminins, Silvia D’Amico et Roberta Mattei, celles par qui la rédemption pourrait enfin se laisser espérer, ne sont que figurantes. Le metteur en scène opte pour son histoire d’amitié entre nos deux héros et s’attache plus à leurs sentiments, les autres seront finalement extérieurs à leur propre histoire. Mais c’est également sur ce point que le cinéaste vacille, il ne va pas assez loin dans cette fusion amicale et change constamment son récit, entre drame, survie et espoir et l’histoire pâtit de son manque de puissance. Les quelques touches d’humour n’ont pas leur place. Le final reste également une déception par une morale en porte-à-faux avec ce que le cinéaste proposait tout du long à savoir pas de parti-pris entre la décision de l’un de récupérer sa dignité en reprenant sa place dans la société et l’autre plus faible, qui malgré quelques fulgurances plus raisonnables, restera définitivement perdu.

limma
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le 29 sept. 2017

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