Les aventures de Superdocteur et la diabolisation de l'hôpital

Médecin de campagne ou la stigmatisation française.
Cela aurait pu être également le titre de ma critique.


Travaillant dans le milieu médical et ayant eu l'occasion d'exercer dans le milieu hospitalier, comme à domicile (en campagne), je me permettrai de critiquer la vision d'un médecin-réalisateur qui, je pense à une vision très manichéenne et unilatérale du soin en France.


En effet, avec un précédent film, Hippocrate, Thomas Lilti nous livrait d'ores et déjà une vision exagérée mais valable de l'état de délabrement économique de nos hôpitaux en France ainsi que sur les difficultés à respecter les volontés de patient pour les prises en charge de fin de vie... Mais le film étaient clairement sauvé par un casting excellent, ce qui est largement plus discutable pour ce film.


Tenu à bout de bras par un Cluzet plutôt convainquant, sans trop être performant, le film se contente une prise de vue (trop) simple de la vie d'un médecin de campagne et de sa future remplaçante pendant 1h40. J'oserai à peine parler du pseudo cancer de notre cher médecin vu qu'il ne prend pas tant de place que ça dans le film... Il ne justifie ni son aigreur, ni l’incompétence à l'exercice libéral d'une Marianne Denicourt (Nathalie) transparente etc. L'évolution des personnages est quasi nulle. Tout du moins de mon point de vue, apprendre comment parler aux gens de la campagne, apprendre l'organisation d'un travail et guérir d'un cancer ne sont pas des "évolutions" de personnages à proprement parler.
L'image presque héroïque de ce médecin de campagne est d'ailleurs plutôt amusante quand on voit les conditions actuelles de travail d'un médecin de campagne ! Je pense qu’effectivement le médecin de campagne possède une place très importante dans la vie à la campagne mais je ne pense pas malheureusement qu'ils ont autant de temps à consacrer à leur patients tout en suivant une chimiothérapie, en formant un disciple et avec un oeil clinique aussi aiguisé.


Certains se satisferont d'une réalisation tout juste satisfaisante, aux codes clichés au possible : zoom sur le ciel s'assombrissant/s'éclaircissant en fonction de l'évolution du scénario. Sans oublier les plans bucoliques : Nathalie près du feu qui regarde un joli caillou, Nathalie qui s'allonge dans les champs et caresse l'herbe se rappelant de ses vacances d'enfance peut-être... Sauf que ces plans ne servent à rien à part exacerber l'ennui sous jacent et caler une ou deux minutes de plus à un long-métrage plutôt léger d'un point de vue rebondissement. Quand à la pseudo tension érotique entre les deux personnages... On a connu mieux.


Pour maintenant en revenir à la stigmatisation évoquée tout au début de ma critique : ce film est l'un des meilleurs dans ce domaine. Les gens de la campagne sont tous présentés comme des personnages âgées ou une population plutôt simple d'esprit ou pauvre...
Enfin bon n'exagérons pas, la seule patiente vraiment pauvre et dyslexique est noire. Seule personne de couleur du film au passage. Mais non non, on ne stigmatise pas.
Ensuite l'hôpital. Présenté dans ce film comme un lieu de fin de vie uniquement ne prenant guère conscience des gens qu'on y soigne. D'ailleurs on peut noter la phrase d'une infirmière quand on émet une hospitalisation d'un patient dans un état inquiétant voir grave : " pourquoi on l’hospitaliserai ? On fait mal notre travail ?" Comme si l'hospitalisation démontrait l'incompétence d'un autre professionnel de santé. La seule phrase de défense émise par un des personnages est "non arrêtez, ça ne se passe pas forcément comme ça à l'hôpital".


Je n'ai pas trop envie non plus de m'étendre sur un point de vue technique du film mais le fait qu'il soit réalisé par un médecin me choque au vu du nombre de faute (grave), d'incohérence et la méconnaissance de la législation. Pour n'en citer que quelques unes : le fait de mettre en PLS quelqu'un de conscient, refus d'hospitalisation, appeler son médecin traitant lorsqu'on se sectionne la fémorale, kidnapper un patient à l'hôpital alors que des démarches très simples existent...


Je finirai donc sur ces paroles adressées à Mr Lilti : non l'hôpital n'est pas qu'un lieu de souffrance et un mouroir. Nous savons tout aussi bien travailler que les professionnels libéraux et adorons travailler en collaboration avec eux.
Et oui je suis fier d'être infirmier à l'hôpital et de passer mes journées à soigner au mieux.

Haydan
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le 28 mars 2016

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