J'y ai cru. Malgré le revers Cannois, malgré la campagne marketing en roue libre, malgré les sorties médiatiques du vieux, j'y ai cru. Il faut dire que quand Monsieur Coppola se lance enfin dans le "projet de ses rêves" et qu'il y englouti toute sa fortune personnelle, on se doit d'y prêter attention. Et moi d'être au rendez-vous.
Plusieurs mois après une séance très compliquée, et au moment de dresser quelques bilans, force est de constater que Megalopolis me reste en mémoire comme l'un de mes gros moments ciné de 2024.
Car Megalopolis est un désastre. Mais un désastre particulièrement intéressant.
Un désastre artistique, pour commencer. N'y allons pas par quatre chemin et disons le franchement, le film est dégueulasse. Les décors, les costumes, les effets visuels, que ce soit via l'utilisation des fameux écrans LED ou de VFX plus traditionnels, rien ne va.
Le flou y est constant et l'utilisation de la 3D nous renvoie vers le début des années 90. Cette surabondance de jaune dans toute ses variantes possibles et imaginables est une agression pour les yeux. Les images insérées au chausse-pied, et ces séquences hallucinogènes complètement foireuses, m'ont trop souvent donné l'impression d'être assis devant Ushuaïa TV après une consommation excessive de LSD.
Difficile de pointer du doigts les équipes techniques quand on a eu vent des déboires qu'elles ont connus, mais les problèmes de tournage et de post-production sont tout simplement flagrant à l'écran.
Pourtant, au milieu de tout ça subsistent certains moments particulièrement réussis. Des images fortes, parfois empruntes d'une certaine poésie, parsemées de petites idées de mise en scène qui fonctionnent malgré tout, comme autant de moments volés dans ce chaos industriel.
Un désastre narratif, également. Je mets au défi quiconque de me résumer le film, c'est strictement impossible. La densité des sujets traités y est telle qu'un simple résumé linéaire de l'intrigue n'est pas envisageable. Il ne faut toutefois pas confondre densité et richesse.
Car si le fond du film est loin d'être inintéressant, sa structure narrative est juste mauvaise. Les intrigues s'éparpillent, certaines ne débouchent sur rien tandis que d'autres ne servent à rien (on en parle des pouvoirs du héros ?). La narration, empâtée par une voix off, est desservie par des dialogues lourdingues heureusement sauvés par un casting appliqué.
Si l'ensemble du film est donc très bancal sur ses aspirations scénaristiques et artistiques, il est néanmoins emprunt d'une touchante sincérité et d'un positivisme assumé. Coppola avait à cœur de nous raconter cette histoire et cela s'en ressent d'une certaine manière.
Megalopolis est un réel film d'auteur. Un film qui en dit tellement long sur celui qui l'a créé et ses obsessions qu'il en deviendrait presque incontournable dans sa filmographie.
Ca peut paraitre complètement fou quand on parle du réalisateur derrière Le Parrain ou Apocalypse Now. Personne ne recommanderait Megalopolis a quelqu'un qui désire découvrir le travail de Coppola, ou qui veut juste regarder un bon film, et c'est bien normal. Toutefois, je pense que si l'on veut comprendre le bonhomme et comprendre l'état d'esprit qui est le sien aujourd'hui, à l'orée de son immense carrière et, disons-le, de sa vie, le visionnage de Megalopolis est indispensable.