C'est extrêmement difficile de décrire l'impression générale que laisse le film, et encore plus de le noter. Disons que je m'attendais à voir un film un peu mégalo d'un vieil homme au crépuscule de sa carrière… et qu'au lieu de ça j'ai trouvé le film d'un étudiant en cinéma qui vient de finir sa scolarité et à qui on a donné un budget de 50 millions de dollars.
Il y a beaucoup, beaucoup trop de choses dans ce film, et forcément puisque Coppola y a pensé pendant près de 40 ans. Des références cinématographiques à la pelle (à commencer par Métropolis de Fritz Lang et 2001 L'Odyssée de l'espace de Kubrick), des références littéraires pas moins nombreuses ("Nous sommes de l'étoffe dont les rêves sont faits", merci Shakespeare), des mentions historiques (on en bouffe, du Romain), des parallèles politiques (oui oui on a deviné qui était Trump), de l'humour, de la science fiction, des drames, des passages psychédéliques… Des éléments de blockbuster comme des passages de film expérimental. Il y a tellement de trucs différents qu'il ne reste quasi rien de l'histoire, qu'on peut résumer en quelques mots : un visionnaire tente de mettre en œuvre son plan urbanistique futuriste en utilisant un matériau presque magique pour sauver sa civilisation, les USA bien sûr, de la ruine qui l'attend si rien n'est fait, et il y parvient. Voilà, rideau.
Outre la pauvreté manifeste du scénario, il y a plusieurs choses dérangeantes. La place des femmes, déjà, l'une potiche, l'autre michto, bon. Les passages totalement what the fuck, notamment le mariage du patriarche qui prend 20 minutes dont 15 minutes qui donnent le tournis à coups de scènes sans queue ni tête. Plusieurs autres scènes donnent l'impression d'avoir été tournées pour le théâtre (la scène de présentation des projets concurrents du visionnaire et du maire, par exemple). Surtout, à force de parler de trop de sujets, le film n'en traite finalement aucun, ou alors vraiment en surface. Le parallèle est évident entre les USA d'aujourd'hui et la Rome impériale, et c'est le cœur du film… mais il n'en reste rien. Outre le constat déjà fait par des millions de personnes, il n'y a aucune vision originale et encore moins de solution ne serait-ce qu'envisagée. Autre exemple : le personnage principal peut contrôler le temps et l'arrêter… Et ça ne sert strictement à rien (bon, à part pour une seule scène mais franchement pas nécessaire). Le résultat est un gloubi-boulga à la limite de l'indigestion.
Mais le film est sauvé (relativement, faut pas déconner) par l'aspect artistique. Adam Driver est excellent. Le même film avec Tom Cruise, je me tire une balle. Coppola fait montre de toute sa maîtrise cinématographique : certains cadrages sont géniaux, l'atmosphère générale du film, un New-York brumeux et sombre, est réussie, les décors sont parfois magnifiques, le montage n'a pas dû être évident à faire… Non là vraiment, c'est une leçon technique de cinéma. Mais il n'y a que ça. Ou presque.
Mon petit doigt me dit que Coppola était conscient de tous les défauts de son film, que lui-même ne prend pas autant au sérieux que ça. La scène de l'assassinat de la susmentionnée michto est ridicule et est bien sûr à prendre au second degré. Ou encore, lorsque le film s'enlise dans de longs discours grandiloquents et assez vides, la belle-mère finit par s'exclamer : "bla bla bla". Et c'est bien comme ça qu'il faut prendre Megalopolis : pas comme le film testament d'un cinéaste has been en fin de carrière, mais comme la dernière facétie d'un maître singe qui a toujours été là où on ne l'attendait pas.