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Est socia mortis homini vita ingloria

À la sortie de Megalopolis, deux grandes questions émergent.


1) Est-ce qu’on parlerait autant de ce film si ça n’avait pas été le projet tant rêvé et tant annoncé d’un monstre sacré du cinéma, légende parmi les légendes ?


Rien n’est moins sûr.


Évidemment, on jugerait son caractère ambitieux, sa direction artistique, sa photographie et bien sûr la grande palette de talents qui compose son casting. Mais il est tout aussi évident que ce jugement serait plus objectif et surtout la déception provoquée beaucoup moins violente.

Car on ne peut pas dire que c’est un mauvais film. Coppola reste un très bon artisan maîtrisant la grammaire cinématographique et sachant faire parler les images. L’envie et le besoin de créer transpirent dans toute l’œuvre. La liberté aussi. Mais peut-être une trop grande liberté ? Le film étant très majoritairement autofinancé par le réalisateur, ce dernier, à l’instar de son personnage principal s’est sans doute laissé envahir par sa création au point de ne plus percevoir qu’elle, plongé dans son obsession.


2) La seconde question est : À qui s’adresse ce film ?


Clairement pas à tout le monde.


Megalopolis convoque de nombreuses références. Trop de références. Et peu accessibles, toutes nécessitant une certaine culture, en tout premier lieu une culture latine.

En bon latiniste de collège-lycée (ça m’aura au moins servi ça), j’ai réussi à saisir les plus évidentes à commencer par l’analogie de la Chute de la République romaine, période de décadence annonçant l’avènement de l’Empire Romain, ère de despotisme pour illustrer l’état politique actuel des États-Unis. À la Rome antique, font aussi écho le nom des personnages (le protagoniste à la fois César et Catilina, Cicéron, Crassus, Julia, Claude...), les tenues et coiffures, les références explicites de Marc Aurèle, celle beaucoup plus grandiloquente des Catilinaires de Cicéron (« Jusqu’à quand abuseras-tu de notre patience, Catilina ? ...») ... Adam Driver se payant même l’intégralité du monologue de Hamlet.

Toutefois, je ne me vanterai pas de toutes ces références car je suis conscient d’en avoir ratées tout autant. Je sens que ce film a de nombreux messages à faire passer et je sais que je suis passé à côté de nombre d’entre eux. Ce qui provoque une sensation très désagréable : suis-je trop bête pour ce film ?

Coppola ne fait pas l’effort de se mettre au niveau du spectateur, c’est à ce dernier de s’adapter. Il en a beaucoup à dire, beaucoup à raconter et tant pis s’il perd du monde au passage. Il a 85 ans, il a mis 40 ans à concrétiser ce film, il n’a plus le temps.


En conclusion, on ressort de Megalopolis avec un avis mitigé. C’est du bel ouvrage mais avec la forme privilégiée au fonds, du moins pour les spectateurs laissés sur le côté n’ayant pas toutes les ficelles pour apprécier le film à sa juste valeur.

Malgré tout cela, certains autour de moi prédisent à Megalopolis un avenir de film culte mais permettez-moi d’en douter. L’époque bénie des vidéoclubs où régnait en maître le triumvirat Francis Ford Coppola, Steven Spielberg et George Lucas se trouve à présent loin derrière nous.

Tellak
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le 25 oct. 2024

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Florian

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