En dépression, personne n'a peur de l'apocalypse

Voici ni plus ni moins la dépression avec comme toile de fond la fin du monde, coupée en deux parties à travers le regard complémentaire de deux soeurs, ce qui expose deux façons de regarder l'histoire :


1) Une vision réaliste de la catastrophe imminente, presque pragmatique.
2) Une vision métaphysique, quasi lunaire (présupposé que la planète bleue aurait une influence "psychologique".)


En utilisant ses deux identités, Lars Von Trier montre leurs atouts et leurs faiblesses. Le rôle de Charlote Gainsbourg profite d'une personnalité forte, qui lui permet d'être bien armée face à la vie. Sa soeur, jouée par Kirsten Dunst, semble incapable de se projeter, d'être en mesure de suivre ce qu'on pourrait définir chez elle comme une notice sociale imposée (croire à des stabilités de long terme, se marier, avoir des enfants, etc.)


A l'aube de la collision, les choses s'inversent alors. C'est Kristen qui se trouve en position de force. Le réalisateur met en lumière le fait que sa dépression offre ce luxe inouï de ne plus avoir peur de la mort, ce trouble de l'état psychique étant par essence surtout problématique face à la vie, puisqu'il tend vers l'objectif plus ou moins conscient de l'anéantissement de soi-même. La dépression n'a pas peur de la mort : elle sait s'en accommoder. Être victime de syndrome dépressif majeur, c'est être déjà mort intérieurement.


De ces choses terre à terre, Lars y rajoute également un volet fantastique, de façon diluée, lorsque Kirsten évoque le fait qu'elle "sait", (la dépression étant ici vécu comme une lucidité par rapport aux autres et donc une force), ou quand il laisse sous-entendre que sa mélancolie serait peut être accentuée par la présence de plus en plus grande de Melancholia (son interaction est-elle seulement astronomique? )


La planète destructrice devient la métaphore de sa maladie, qui progresse inéluctablement jusqu'à la fin de son existence. Ne plus avoir envie de vivre, c'est déjà estimer que la vie ne vaut rien. Quand on ne croit plus en soi, on ne croit plus au monde dans sa totalité. La négation de son propre élan vital est globalisée et associée à la négation même de la vie, perçue comme absurde, sans aucun sens, injuste, aléatoire, arbitraire...Et explosive.


Comme Melancholia.

OkaLiptus
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le 21 avr. 2012

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Oka Liptus

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