Hein, Memento ? Déjà oublié...

Après un premier film réussi, Nolan enchaîne avec une nouvelle histoire qui lui permet de manipuler son joujou favori : le montage. Une amnésie chronique empêche Shelby, un malheureux dont la femme fut violée et assassinée, de se souvenir à court terme. Il doit donc s'organiner, écrire, photographier, afin de ne pas perdre le fil.

Nolan tombe dans l'énorme piège de la fausse bonne idée. "Puisque mon personnage ne se souvient de rien, alors je vais plonger le spectateur dans le même chaos", se dit-il. Pour celà, il utilise une double narration. La première, en couleur, est antichronologique. La seconde, en noir et blanc, est chronologique. Les deux narrations se donnent le relais grâce à un artifice tellement gros et répétitif qu'il est impensable qu'il puisse être retenu : la partie en couleur, qui remonte le temps, s'arrête à chaque fois que Shelby perd la mémoire. L'envie de ne pas mâcher le boulot à des spectateurs fainéants est remarquable, encore faut-il ne pas non plus les prendre pour des gros cons. La structure, en elle-même, ne se justifie absolument pas autrement que formellement. On est devant l'un des films les plus poseurs, les plus m'as-tu-vu, de l'histoire du cinéma. Rien que ça.

Car dans ce genre de film, où la finalité est connue dès les premières secondes du film, on est en droit d'attendre un déroulement déroutant, surprenant, pour jouer avec ce final. Las, ici il n'en est rien, et on s'aperçoit très vite que ce film, remis à l'endroit et épuré, serait d'une banalité confondante. Et la chose est vérifiable, puisque ce montage "à l'endroit" est disponible et bien moins apprécié. Comme c'est étonnant. La volonté d'innover de Nolan, qui hérite définitivement du titre peu enviable de "petit malin" passe avant toute prétention cinématographique qui est et sera toujours de raconter une bonne histoire.

Malgré ça, on peut quand même féliciter l'inventivité formelle, qui a le mérite de plonger le spectateur dans une position peu confortable. Mais c'est trop peu pour faire un film. Avant de vouloir jouer avec le spectateur, monsieur Nolan, il faudrait déjà ne pas le prendre pour un con et lui raconter une histoire. Sinon il y a la porte d'à-côté, celle de la pub et du clip, où vous pourrez vous amuser à l'envie sur le formel. Merci.
Bavaria
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le 10 janv. 2013

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