Ce qui accroche au regard ce sont ces plans au clair-obscur à la Caravage, chez Menocchio, un film assez discret sorti en 2018 et réalisé par un illustre inconnu chez nous, l'italien Alberto Fasulo.
C'est une découverte par la jaquette du DVD, laquelle présente le visage en pâle d'un vieillard à la barbe blanche, aux cheveux qui le sont tout autant et la bouche humide à demi-ouverte, dans un souffle retenu. Curiosité et sobriété du titre : Menocchio. Dans moins de deux heures de film est brossé le portrait d'un meunier à la fin du XVI siècle en Italie. L'homme est accusé d'hérésie parce qu'il remet la richesse pontificale en question et interroge la virginité de Marie et le statut de Jésus. Ses questions pertinentes ont créé des émules au sein du village.... Ce qui hérisse le Vatican, forcément. Envoyé en prison et jugé, Menocchio devient le symbole d'un être broyé par la machine religieuse.


La qualité du film tient sans doute dans l'innocence de ses personnages, lesquels sont tous joués par des amateurs. Les visages sont ridés, les yeux clairs et puissants d'expression. Notre meunier est d'une beauté folle et sa bouche toujours entrouverte et pleine d'un souffle interrogatoire, émeut. De lui se dégage l'âpreté de sa condition de vie difficile de meunier. Il est vieux et lourd du temps, mais défend dans son regard clair, l'amour de Dieu (sans l'intermédiaire du prêtre) et l'amour de son prochain. Cette croyance franche et simple le mènera à sa perte...


Le film se concentre en peu de lieux : il y a le village et la prison où Menocchio est enfermé. Les plans sont baignés d'une lumière chaude, de noirs profonds ; d'une brume pâle, de l'ombre d’étoffes paysannes. Tout fait penser aux peintures à l'huile. C'est beau sans être lourd et même l'habit rouge du cardinal apparaît avec sobriété dans le décor effacé des fresques de la vieille église.


De longs plans se contentent de suivre les silences de Menocchio. Dans son profil où les flammes réchauffent un bout de sa joue, on devine ses inquiétudes : la peur du bûcher, ses doutes sur lui-même, sur la qualité de ses revendications, le choix de son chemin de croix. Et puis, on voit aussi l'intelligence de ce pauvre homme de village, qui sut remettre en question une Église sans doute trop alourdie par sa fortune.


Les pauvres sont-ils voués à la misère dans leur vie d'homme ? Le paradis ne peut-il pas se jouer dans l'odeur de l'herbe et les courses des enfants au bord de la rivière ? Menocchio le pense et le pleure ; le cardinal n'y croit pas et, voué à son habit rouge le regarde avec dédain.


C'est beau, sobre et laisse songeur. Parce que Menocchio exista vraiment et fut brûlé.


-> Critique publiée ici, aussi.

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le 15 nov. 2021

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