Le diable ne s'habille pas en Prada, mais bien en Kenzo

LVMH, véritable institution du luxe mondiale, possédant les marques de maroquineries, de la mode, des vins, des spiritueux, des parfums, des cosmétiques, des montres, de la joaillerie et de l'hôtellerie les plus prestigieuses sur terre, nous dévoile ses coulisses. Pour nous faire la visite, François Ruffin, rédacteur en chef du journal Fakir et réalisateur de cette petite pépite sortis du Ch'Nord.


Quand on connaît le slogan du journal alternatif : "Journal fâché avec tout le monde. Ou presque", on se doute quelque peu que le groupe aux 115 milliards d'euro de capitalisation boursière va avoir les oreilles qui sifflent.


"Merci Patron !" s'attaque à un phénomène devenus récurrent dans nos débats économico-politiques : Les délocalisations et les plans de licenciement massifs, avec pour cible la maison mère de Moët & Chandon. Comment mieux exprimer le sujet que par la voix de ce qui l'ont vécu contre leurs grès ?


Nous suivons donc la démarche solitaire et suicidaire d'un homme téméraire à l’assaut de Lucifer, tentant de venir en aide à des âmes perdues, incarné par la famille Klur. Jocelyne et Serge, tous deux anciens opérateurs des usines du Poix-du-Nord, se voient dans une situation de détresses absolues. Vivant avec 400 euros de revenus par mois et ayant encore leur fils Jérémy à leurs charges, la famille se voit dans l'incapacité de payer ses dettes et est sur le point de perdre son foyer.


Quelle importance ? La machine doit tourner, la rentabilité n'étant plus suffisante dans cette usine du Nord de la France. Combien coûte un opérateur à l'heure en Pologne pour faire ces mêmes costumes ? A combien peut-on estimer les économies d'échelle effectuées grâce à cette "Relocalisation" ? Combien d'emplois est-ce que cela à pu créer de l'autre côté de la frontière ?


Les Klur n'ont probablement pas les réponses à toutes ces questions. Ils sont bien trop occupés à essayer de sauver ce qu'ils ont bâtis pendant toute une vie, et à faire pousser leurs pommes de terre dans le jardin pour s'assurer un repas du soir. Pendant ce temps là, Monseigneur Arnault percevait un salaire de 9,4 millions d'euros. Auquel il faut bien évidemment ajouter les 7,5 (oui n'oublions pas le chiffre après la virgule) milliards d'actifs supplémentaires. Mais ne vous en faites pas, comme c'est un bon citoyen Français, il paye ses impôts en Belgique.


Vous l'aurez donc compris, le film aborde de manière plus générale les sujets qui animent nos conversations de comptoir aux jours d'aujourd'hui : l'ultralibéralisme, la mondialisation sauvage, la précarité, la lutte des classes.


Cependant, tout homme, aussi horrible soit-il, mérite que l'on le défende. Je pense sincèrement qu'une part de lumière se cache dans ce portrait obscur de Bernard Arnaud, et vaut la peine que l'on lui laisse une chance. Jacques Verges aurait pu l'exprimer de la manière suivante en reprenant les mots d'Hippocrate : "Je ne soigne pas la maladie, je soigne le malade. C’est pour vous dire que je ne défends pas le crime mais la personne qui l’a commis". Le crime ici est impardonnable, car il a mis sur la paille des centaines de famille, cela à même poussé au suicide certains salariés. Certes la rémunération de ce PDG est outrancière. Oui sa démarche de demande de nationalité Belge pour diminuer ses impôts est répugnante. Il est vrai également que son mépris pour les classes populaires est infect. Mais ne vous posez-vous pas la question de comment cet homme est-il devenu ce qu'il est aujourd'hui ?


LVMH a été fondé en 1987, en seulement 30 ans l'entreprise est devenue un mastodonte du secteur du luxe, embauchant plus de 125 000 personnes à travers le monde, générant un chiffre d'affaire de 37.6 milliards d'euros. Pensez-vous sincèrement que Bernard Arnault est la seule personne ayant œuvré à cette success-story ? Pensez vous réellement qu'il est le seul décideur dans les actions entrepris par le groupe, comme le démantèlement d'une usine ? Loin de là...
Les premiers fautifs sont les actionnaires de LVMH. Bon sur ce point malheureusement Beber va pas être aidé parce qu'il est actionnaire majoritaire du groupe à hauteur de 47%, donc autant dire qu'il est le principal décisionnaire dans les actions entreprise par le groupe...


Les seconds fautifs sont les gouvernements et les différentes institutions de réglementations. L'objectif premier des gouvernements doit d'être capable de prévenir ces délocalisations et d'avoir pour ambition d'accompagner l'ensemble des salariés impactés à travers une démarche de replacement de ces employés. Le second objectif est de continuer à encourager l'innovation, la formation et la recherche et le développement. Ainsi, on crée de nouveaux leviers de croissance qui assurent une augmentation du nombre d'emploi sur une période donnée.


Les derniers fautifs dans cette dérive sociétale, et bien mes amis, c'est nous, les consommateurs. Ne vous êtes t-il jamais arrivé d'acheter une bouteille de champagne pour fêter la nouvelle année ? N'êtes vous jamais allé à Sephora pour prendre le dernier masque exfoliant révolutionnaire pour résoudre tout vos problèmes de peau irritée ? N'avez vous jamais emmené votre petit Kevin de 7 ans au jardin d'acclimatation pour qu'il puisse s'amuser dans les balançoires et jouer au chamboule tout ? Oui car votre bouteille de Dom Pé, votre magasin de produit de cosmé et le parc d'acclimatation appartiennent tous au géant LVMH.


Nous sommes les premiers artisans du malheur de la famille Klur. Notre surconsommation pousse les industries à toujours engranger plus de profits. Les cadences sont infernales, et les coûts toujours plus nombreux, alors oui, il faut bien trouver des solutions pour faire plaisir à tout le monde.


En conclusion, ne diabolisons pas un homme, aussi pestilentiel soit-il, mais remettons en cause notre système malade. C'est le seule bémol que je dégage de ce magnifique film-documentaire. François Ruffin à cherché à mon goût à marteler fortement Bernard Arnault au lieu de s'attaquer à un sujet de fond. En tout cas, je tire mon chapeau, le doc est super bien monté, et ça donne envie de faire bouger les choses. Le César est amplement mérité même si à mes yeux ce n'est qu'une vaste fumisterie de la part de l'académie.

AurelBird
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le 23 mai 2017

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AurelBird

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