Pour moi, ce film a les défauts de ses qualités. Il est très factuel, nous raconte l'aventure de la Famille Klur emmenée par François Ruffin au plus près des actes, avec humour et légèreté. C'est une farce, un guet-apens contre l'empire Bernard Arnault qui débouche sur le sauvetage d'une famille vouée à la misère sans l'intervention du réalisateur. Alors, oui, ça fait plaisir et ça fait rire. Le film nous laisse assez libre de juger, d'interpréter, sans problématiser leur situation ou la mettre vraiment en perspective dans le contexte actuel, sans proposer de solution globale non plus... S'il avait été dogmatique, défenseur d'une vision arrêtée pour changer la société, je serais partie en courant. Je devrais donc saluer cette ouverture. Et pourtant j'ai envie de la lui reprocher parce que je crains la manière dont il peut être reçu. J'ai déjà entendu, autour de moi, des commentaires du type "Les riches sont tous des salauds de toutes façons, il faut les éliminer. Moi si j'avais plein d'argent, je le distribuerais aux pauvres".Foutaises!
On ne cesse de déplorer que le dialogue social est impossible et que le fossé entre les classes se creuse, mais ce n'est pas en alimentant la haine qu'on va construire des ponts. N'oublions pas qu'on ne choisit pas son éducation : on la reçoit, on nait riche, tout comme on nait pauvre, par hasard, ensuite il y a le libre arbitre, plus ou moins grand selon tout un tas de données pas du tout égalitaires (certes). Mais on est avant tout des êtres humains qui défendent et veulent augmenter leur part de bonheur, plus ou moins étincelante à l'origine, et qui pour certains, passe par la construction ou l'accroissement de leur fortune. Et tant que la haine des pauvres pour les riches sera motivée par l'envie d'être calife à la place du calife, on ne s'en sortira pas. La frugalité choisie est un luxe mes amis. Vive la décroissance!