Négligé au fil des ans, Microcosmos fut un événement à sa sortie en 1996 et une prouesse technique. Ce film suit « le peuple de l'herbe » dans ses pérégrinations, en se mettant à son échelle et faisant d'un champ dans l'Aveyron les studios où ses membres se produisent. Microcosmos a exigé un travail titanesque et sa conception s'étale sur six ans, dont la moitié pour le tournage. Des outils sur-mesure (caméras macros guidées en motion control) ont été crées pour filmer les insectes au plus près. La forme est originale puisqu'il ne s'agit pas d'un documentaire comme le suggèrent les apparences, mais d'un « conte naturel », comme le seront les prochains opus signés Claude Nuridsany et Marie Pérennou (Genesis en 2004, La clé des champs en 2011).


Les soixante-quinze minutes sont quasiment dépourvues de commentaires, Jacques Perrin (producteur) se contentant d'une remarque introductive. Le film est cependant tout sauf muet : c'est un concert de sons où les émissions des insectes et les ajouts musicaux se confondent. Les portraits se succèdent, une araignée Argiope (noire et jaune) est chassée par un grand Bombyle (proche du bourdon ou de l'abeille), des chenilles Bucéphales prennent le relais des Lucanes cerfs-volants (coléoptères), des variétés de fourmis se disputent un pactole. Le scénario n'est pas 'ad hoc', les diverses petites trames et leurs enchaînements sont guidés : la mise en scène n'est jamais passive ni purement 'naturaliste', les auteurs choisissent ce qu'ils vont chercher. Les enseignements théoriques ne sont pas de la partie, à moins de s'intéresser au film et à ses éléments après la séance. L'intérêt principal est dans la contemplation active.


La curiosité est toujours satisfaite, le divertissement touche au merveilleux mais sans invoquer, ou seulement pour coller les morceaux, l'imagination pure ; il y avait le réalisme magique dans les années 1930, ici on en trouve une variante où le cadre de référence est le monde de l'herbe et de l'eau, avec et des acteurs mesurant quelques centimètres. L'absence de narration a pu exclure certains et justifier une sensation de désuétude, pourtant la cadence ne faiblit pas ; simplement le rythme est d'une autre nature. Microcosmos est bien plus cinématographique que les catégories dans lesquelles il est censé se ranger ; sa mise en scène est aérienne (un ballet repoussant les limites), son langage est visuel et son aspect est vif et splendide, le verbe et le papier ne le cernent pas, les sens et leur intelligence sont stimulés. Cette approche a manifestement inspiré la vague, certes timide, de films animaliers des années 2000, lancée par Le Peuple migrateur (de Perrin) en 2001, où les laïus 'écolos' joueront éventuellement le rôle de guide 'humain' (jusqu'à l'arrivée dans le secteur du très politisé Arthus-Bertrand - Home).


https://zogarok.wordpress.com/2015/10/13/microcosmos-le-peuple-de-lherbe/

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le 12 oct. 2015

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Zogarok

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