Midnight Special raconte tout d’abord l’histoire d’un père (Roy) et son fils (Alton) qui sont en cavale, accompagné par un tiers personnage : Lucas, un policier et vieil ami de Roy. Ils fuient la secte « Le Ranch », dont les membres considèrent Alton comme un sauveur : les chiffres qu’il entend correspondent à des versets spécifiques de la Bible, ce qui serait de l’ordre de la révélation mystique. Mais ils fuient également le gouvernement car le petit garçon serait, selon eux, une arme. Ils parcourent donc le territoire Américain pour aller quelque part à une date précise, tout en étant constamment poursuivis par la police, la NSA, ainsi que deux membres de la secte. Tous souhaitent le récupérer. Sauveur ou Arme ? Rien est encore sûr, cependant le spectateur apprend rapidement qu’Alton possède plusieurs pouvoirs : il peut produire de la lumière avec ses yeux pour montrer quelque chose aux gens, faire sauter l’électricité, retranscrire la radio et des chiffres, enfin il arrive à faire exploser un satellite.


Le film commence par une introduction remplie de mystères, accompagnée par une musique au piano, qui donne l’impression que l’intrigue va être vraiment haletante et intéressante, mais ce n’est qu’une impression puisque l’ennui et l’incompréhension l’emportent finalement. Nichols ne nous livre que très peu d’explications, pour rester dans le mystère, mais cela devient complètement incompréhensible, car il ne nous révèle jamais concrètement où ils vont. Ce n’est pas un problème de ne pas tout savoir dans un film, mais ici, le récit souffre d’un réel problème d’équilibre. Les questions sont sans fin : Qu’est-ce-que le ranch ? Pourquoi a-t-il été adopté alors qu’il a toujours des parents (qui semblent normaux) ? Pourquoi tous ces pouvoirs ? Comment peut-il être un extra-terrestre si ses parents sont humains ? Pourquoi cette date-là ? Pourquoi ce point précis, c'est-à-dire un marécage ? Pourquoi se cache-t-il du soleil depuis toujours, alors que soudainement le soleil lui redonne vie ? Pourquoi porte-il des lunettes de plongée, si cela ne l’empêche pas de produire de la lumière avec ses yeux ? Tout ce que le spectateur connait c’est finalement ce qu’ils font, c'est-à-dire traverser le pays, tout en rencontrant de nouvelles personnes (dont sa mère, qui va finir la cavale avec eux) et vivant de nouvelles aventures.
De plus cette cavale est plutôt simple, puisque les flics sont plutôt incompétents, malgré l’arrivée de l’agent de la NSA interprété par Adam Driver, qui dans une scène assez absurde comprend comme par magie le lieu où se rendent les personnages. En effet le simple geste d'entourer deux nombres sur son tableau, en prenant un air très impliqué et sérieux, lui permet de retrouver nos héros, rendant donc l'enquête beaucoup trop simpliste et peu réaliste.
Autre fait témoignant de l’incompétence des policiers : ils connaissent le lieu, mais ne surveillent que les alentours de la zone, sans jamais se rendre à l’endroit exact. Et ce pendant tout le long de cette fuite : puisqu’ils passent toujours juste après que les protagonistes soient partis. La grande question est : pourquoi ne se sont-ils pas renseignés directement sur la mère ? En tout cas, les deux membres de la secte arrivent à les trouver en premier et prendre le gamin, mais il sera récupéré presque immédiatement par la police, pour être finalement rendu aux parents dans la soirée, par l’agent de la NSA. Tout ceci est expliqué par le fait qu’il croit en Alton et son monde qu’il a pu voir. D’autres péripéties ont eu lieu auparavant, notamment lorsqu’Alton fait exploser un satellite, cela n’aura aucune incidence particulière sur la continuité de la fuite, excepté donner un indice sur leur emplacement au gouvernement. Finalement la menace du film reste assez plate, et laisse le spectateur tomber peu à peu dans l’ennui, redoublé par le rythme assez lent de l’ensemble.


En ce qui concerne les personnages, ils ne sont pas vraiment approfondis, il est donc difficile de s’intéresser à eux. Leur relations, leur passé, leurs histoires ainsi que la dimension psychologique restent trop peu abordés, c’est pourquoi ils apparaissent plutôt comme des enveloppes vides, incarnant des figures un peu stéréotypées. Tout ceci mettant en péril l’identification, et plus particulièrement celle au père. En effet, c’est un personnage très complexe, aux pensées difficilement accessibles : au début du film il apparaît comme la figure paternelle très protectrice, prêt à tout pour sauver son fils, quitte à tuer. Plus tard on se rend compte qu'il est prêt à risquer la vie de son garçon car même mourant il refuse de l'emmener à l'hôpital. Enfin, lorsqu’Alton se fait enlever par le gouvernement, il prend la décision très rapide d’abandonner sa mission pensant qu'ils n'arriveront jamais à le récupérer. Ce tiraillement peut souligner la difficulté de la quête ainsi que la grande responsabilité du père dans cette mission, cependant ce changement constant de position peut paraître étrange et peu cohérent. Il est donc presque impossible de cerner ce personnage afin de s'y identifier.
Si la majorité d’entre eux semblent creux, voire sans émotions, la mère, interprétée par Kirsten Dunst, fait preuve d’un trop plein d’émotion. Quant à Lucas, le spectateur peut se poser des questions sur l’intérêt de ce personnage et ce qu’il peut apporter. Il possède le rôle d’acolyte, mais semble surtout là pour une possible identification des spectateurs, en étant notre incarnation à l’écran. Il est, lui aussi, embarqué dans cette cavale à l’improviste et n’en sait pas beaucoup plus que le spectateur. Enfin, la figure du petit garçon qui est censée être centrale, n'est pas assez travaillée non plus, elle est décrédibilisée, notamment par son changement total de personnalité et d'attitude au milieu du film: au début il est discret, il ne parle pas beaucoup, un peu craintif et brutalement il devient le décisionnaire de la bande, il décide où aller, où s'arrêter, quoi faire.


A propos du scénario, il est difficile d’y voir une quelconque profondeur, moralité, ou même critique de la société. Le récit aborde le cas d'une communauté puritaine, un peu sectaire, qui peut, par son isolation du reste du monde et son mode de vie rappeler les Amish. Mais l’image clichée qu’elle dégage risque de rapidement désintéresser le spectateur. En effet, étant tous éblouis par les pouvoirs du petit garçon, ils voient en lui le messager de Dieu, voire peut-être même la réincarnation du petit Jésus annonçant le jour du jugement dernier.


Ce film requiert donc une grande concentration ainsi qu’une volonté d’implication pour réussir à s’immerger dans la fiction. Pour certains spectateurs, même amateurs de SF, la tâche peut être considérée comme périlleuse. En effet l’impression de rester à la surface de l'histoire, voire même de nous empêcher d’y pénétrer est un risque pris par le réalisateur. Son choix d’accumuler les mystères sans apporter vraiment de réponses, peut tout à fait basculer en faveur du suspens, mais davantage, il peut tout aussi faire décrocher le spectateur. Un choix certes ambitieux mais dont la conséquence pourrait être un détachement émotionnel des personnages.


C'est pourquoi en sortant de la salle, le film m'a laissé un sentiment d'inachevé, le film est fini et pourtant même la révélation finale n'est pas claire. Ce petit garçon est différent, il a des capacités extraordinaires, mais la cause de cette fameuse lumière qui jaillit de ses yeux reste floue : est-ce que ce sont des visions de l'avenir ou des flashs du monde duquel il vient ?

San_sigma
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le 27 janv. 2017

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San_sigma

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