A l’heure où j’écris ces quelques lignes, tout a été relaté ou presque sur ce film… Il ne s’agira pour moi que d’évoquer un ressenti mêlé d’admiration et de perplexité…


Comment ne pas être ébloui, non non le terme n’est pas trop fort, devant la plastique d’une telle œuvre et un casting aussi impressionnant qu'excellent ? « Mise à mort du cerf sacré » est sans doute la synthèse d’un genre cinématographique ambigu de ciné-réalité d’angoisse où sous couvert d’un parti pris très esthétisant le spectateur se trouve pris au piège. Il devient otage du réalisateur face à une situation psychologique déplaisante mais surtout une espèce de voyeur impuissant dont les valeurs morales, à force de dilemmes, sont constamment mises à l’épreuve. On pense un peu à « La nuit du chasseur » de Laughton et à « Shining » de Kubrick, mais surtout aux deux « Funny games » d‘Haneke, à « Stoker » de Chan-wook Park ou encore à « Canine » du même Yorgos Lantimos.


Cela ne veut toutefois pas dire que « Mise à mort du cerf sacré » n’existe que sur les seules dilutions des œuvres précitées, bien que l’on y retrouve de nombreux effets (cadrages, lumière, décors…). Le film a son existence propre. Il s’agit là d’une véritable tragédie intelligemment conçue et particulièrement efficace dont la source est la culpabilité, la vengeance et le rationalisme. Le mythe d’Iphigénie en point d’accroche, la symbolique est actualisée, voir accentuée.


« Canine » et « The lobster » participaient déjà à son incompréhension face aux comportements humains (individualisme, déshumanisation, inégalités sociales…) et d’un fonctionnement sociétal qu’il rejette, avec « Mise à mort du cerf sacré », il veut aller plus loin. La famille demeure pour beaucoup l’un des derniers refuges humains, loin des performances, où l’on peut être soit même, donner et recevoir en retour. Elle est un fondement du système et il va sadiquement la pulvériser. Mais là où dans « Canine » tout partait en vrille, ici il tient à faire porter ad vitam aeternam le poids du sacrifice. Le récit n’est plus anecdotique de cynisme, il se veut profondément expiatoire. Il faudra vivre avec ça pour ne pas oublier.


C’est dans ce sens que le film me laisse perplexe. Immanquablement au fur et à mesure de sa progression, je me suis senti moi-même être inquisiteur ou moralisateur. C’est un peu comme si l’on forçait ma pensée, et constamment me dire à chaud à leur place je ferai cela ou ceci… C’est un sentiment profondément malsain posant un voile sur le fait que çà ne soit qu’un film. Qu’il pousse à une réflexion certes, mais pas forcément à chercher des dénouements qui pourraient aller à l’encontre de ma propre manière de fonctionner. Du moins pas à chaud.


Il est immanquable que c’était le pari de Lantinos, pas sur à l’avenir que je me laisse embarquer dans une autre de ses expériences…


Maintenant, pour vous faire un réel avis, voici l'excellente critique de Blacktide, très fouillée et particulièrement bien construite

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le 22 nov. 2017

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Fritz Langueur

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