Trois ans après le succès critique et publique de "Rogue Nation", Tom Cruise retrouve le réalisateur Christopher McQuarrie pour le 6ème opus de "Mission : Impossible" , sobrement intitulé "Fallout" ; une première dans l'histoire de la saga quant on sait que jusqu'à présent, la "règle" prévoyait un réalisateur différent par film. Mais c'est sans compter sur l'alchimie et la très bonne entente entre les deux hommes, Cruise et McQuarrie en étant déjà à leur 3ème collaboration, après "Jack Reacher" et "Mission : Impossible - Rogue Nation". Cette relation de confiance entre réalisateur et acteur/producteur se ressent d'autant plus que, pour ce 6ème volet, McQuarrie a eu carte blanche de la part de Tom Cruise, pour écrire lui-même le scénario, sans aucune collaboration.
Bref, venons-en maintenant au fait.


Auréolé de manière dithyrambique aussi bien par la presse américaine que française, certains allant même jusqu'à l'élire "meilleur film d'action de la décennie", "Fallout" jouit effectivement d'une excellente réputation, au point même de faire pâlir les pourtant très estimés 1er et 4ème opus ("Ghost Protocol").
Sans aller jusque là, après visionnage, force est de reconnaître que OUI, effectivement, "Fallout" est un excellent film d'action : rythmé, haletant, spectaculaire, fort bien interprété, sombre juste ce qu'il faut (le film se permettant même par instants de légers sursauts de violence froides, empruntés à Jason Bourne et aux derniers James Bond).
D'un point de vue scénaristique, à l'instar des 4 volets précédents, "Fallout" prolonge le travail de continuité narrative entamé par J.J Abrams avec "Mission : Impossible 3 " en 2006 (qui reste d'ailleurs encore crédité comme "co-producteur" sur ce film-ci).


Suite directe de"Rogue Nation", ce 6ème épisode voit Ethan Hunt accepter une nouvelle Mission : Impossible (en gros, dérober du plutonium) lié à celui qui semble désormais constituer son pire ennemi, le sinistre Solomon Lane (Sean Harris), introduit dans l'opus précédent comme étant le patron du "Syndicat", une organisation terroriste qui peut se voir comme l'équivalent américain du "Spectre" de James Bond. Pour ce faire, Hunt pourra compter sur ses fidèles complices et amis de longue date, Luther Stickell (Ving Rhames) et Benji (Simon Pegg), ainsi que sur un petit nouveau, le jeune et mystérieux August Walker (Henry Cavill). Cette mission verra aussi les retrouvaille, "romantico-mystérieuses" entre Hunt et Ilsa Faust (Rebecca Ferguson), qui l'avait déjà aidé à épingler Solomon Lane.
Le fait que McQuarrie soit le seul et unique scénariste du film se ressent fortement. Comme le titre l'indique ("Fallout" signifiant littéralement les répercussions laissés par nos actes passés), cet opus se veut toujours plus humain et même, dans ce cas-ci, plus psychologique. Cette fois-ci, c'est le côté sensible et tourmenté de Hunt qui nous est dévoilé, ce dernier ne se battant plus pour lui-même mais pour le bien de ses proches. En tant que scénariste (de "Usual Suspects" notamment), McQuarrie a toujours mis en avant les tourments et secrets de l'âme humaine qui dictent les actes accomplis par les personnages. Si, déjà dans "Rogue Nation", McQuarrie dévoilait un Ethan Hunt plus tiraillé qu'à l'accoutumée, il renforce d'avantage cette impression dans "Fallout" en en faisant presque une figure de martyr, qui ne peut visiblement rien faire sans que cela ait des répercussions sur ceux qui l'entourent, comme l'illustre parfaitement une très belle scène (que nous ne dévoilerons pas) entre Hunt et une femme flic française.


Outre une envie de renforcer l'aspect psychologique de son héros, McQuarrie se dépasse (ce qui constitue également LE gros point fort du film) en terme de séquences d'action et de mise en scène. Si celles de "Rogue Nation", bien qu'efficaces, pouvaient laisser sur leur faim de par leurs classicisme et leur absence de prises de risques, celles de "Fallout" sont tout simplement PRODIGIEUSES et, osons-le dire, comptent d'ores et déjà parmi les meilleures de la saga. On le sait désormais (campagne promo oblige), Tom Cruise effectue la plupart (mais pas la totalité, qu'on se le dise, les assureurs de l'acteur et les effets visuels sont là pour nous le rappeler) de ses cascades lui-même. Dès lors, en plus de marquer au fer rouge l'implication de ce dernier dans son rôle-fétiche, cette façon de faire renforce d'avantage la faillibilité et la vulnérabilité, de plus en plus flagrante, d'Ethan Hunt. Sans entrer dans les détails, on peut dire que toute la séquence de course-poursuite en plein Paris (par ailleurs très bien découpée et ingénieusement montée) est une merveille de sensations fortes et de suspense, et ce d'autant plus qu'elle est construite de manière naturelle, sans explosions d'immeubles ou de vannes potaches toutes les 3 secondes visant à désarmorcer toute forme de tension. Rien n'est laissé au hasard dans cette séquence, ni la psychologie des personnages, ni l'objectif de la course-poursuite, tout semble planifié et maîtrisé dans les moindres détails. Sur ce coup-là, on peut dire que ça faisait bien longtemps qu'un moment fort ne nous avait à ce point éblouit, de par son intensité, sa maîtrise technique et son parti-pris d'entremêler sérieux et grand spectacle.


Comme dit plus haut, la joie émise par les séquences d'action tient aussi du fait que McQuarrie, en tant que réalisateur, fait preuve d'une mise en scène plus inspiré, s'offrant même le luxe d'une subtile séquence de "Flashforward" (élément narratif qui est censé se dérouler dans un temps futur par rapport au temps principal du récit et qui peut se voir comme l'opposé du "Flashback").
Comme évoqué brièvement en début de critique, les scène de combats sont plus sèches, violentes et réalistes, en attestent le travail sonore sur les coups de poings et les fusillades. La bonne idée de McQuarrie est d'avoir fait en sorte qu'elles n'ont pas été traitées de cette manière par hasard mais bien parce que la tonalité du récit l'exige, Hunt devant faire face à son ennemi juré bien décidé à le briser psychologiquement en s'attaquant à tout ce qu'il aime.
En optant pour une réalisation plus dramatique et humaine, McQuarrie réussit l'exploit de faire de ce " "Mission : Impossible - Fallout" l'épisode le plus intense et intéressant, d'un point de vue narratif, de toute l'histoire de la saga.


Au niveau de l'interprétation, rien à redire. Comme d'habitude, Tom Cruise est parfait en Ethan Hunt de plus en plus vulnérable et humain d'épisodes en épisodes. On retrouve avec plaisir les sympathiques Benji et Luther, mais aussi Ilsa Faut, dont la beauté particulière de la comédienne Rebecca Ferguson confère d'avantage de mystère à ce personnage, véritable équivalent féminin de Hunt.
Ceci dit, la vraie "révélation" du film est sans conteste Henry Cavill (l'actuel interprète de Superman), dans la peau du troublant agent Walker. A la fois badass et froid de par son absence totale de psychologie (c'est la réussite de la mission qui importe avant tout), Cavill parvient à rendre son rôle intéressant et se permet même, le temps de 2-3 scènes, d'ironiser sur le statut de sauveur d'Ethan Hunt; ironie qui, en cherchant bien, peut aussi se voir comme de gentilles piques à l'égard de l'image médiatique de Tom Cruise lui-même.


En bref, "Mission : Impossible - Fallout", s'il n'est clairement pas "le film d'action de la décennie" sur-vendu par la critique, la faute à quelques défauts flagrants (la volonté presque "Nolanienne" de vouloir faire compliquer pour faire compliquer, des rebondissements parfois un peu trop éparpillés dans tous les sens), est incontestablement un divertissement de très grande qualité, servit par d'excellents comédiens, des morceaux de bravoure jouissifs et très bien construits et une tonalité sombre et psychologique, privilégiant avant tout l'homme derrière l'"agent secret intrépide et féru de sensations fortes".


Un très bon moment en perspective.

Créée

le 13 sept. 2018

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