Le best-of d'une saga, la nouvelle référence de l'action

La saga Mission : Impossible ne cesse de me surprendre ! Car en 22 ans d’existence (le premier opus date de 1996), jamais je n’ai vu une série se bonifier autant d’épisode en épisode (bien que me concernant, cela ait vraiment démarré avec le 3). Devenir une référence en matière de gros blockbuster d’action, mettant sans mal la concurrence au tapis. Et garder le cap au niveau du box-office depuis peu, restant entre 500 et 600 millions de dollars à travers le monde. Il était donc normal que le nouveau-né de la franchise, Fallout, soit un long-métrage estival pleinement attendu ayant bien des chances de casser la baraque. Il faut tout de même rester terre-à-terre et se dire que le film pouvait tout de même décevoir, la pérennité de la saga pouvant faire naître un sentiment de lassitude avec ce qui aurait pu se présenter comme l’épisode de trop. Celui qui mettrait fin à tout ce succès et confirmerait l’esprit gargantuesque de Tom Cruise à enchainer les films d’action grand spectacle. Celui s’étant récemment traduit par des échecs critiques et commerciaux non négligeables (Jack Reacher 2, La Momie). De ce fait, ce Mission : Impossible 6, est-il la réussite espérée ou bien tout simplement le glas de la série ?


Je dois dire que si je ne devais me contenter du scénario, Fallout serait une déception de taille. Car derrière une bande-annonce et une promo qui n’arrêtaient pas de mettre en avant le « côté obscur » du personnage principal, Ethan Hunt (le fait qu’à force d’être constamment renié par ses supérieurs, l’espion craquerait et se lâcherait dans ce film), nous nous retrouvons finalement avec une énième histoire de menace nucléaire. Une intrigue sans originalité et manquant de profondeur thématique (on a quand même une allusion aux récents attentats de Paris via une policière), alors que Rogue Nation n’hésitait pas à être plus « calme » que Protocole Fantôme pour parler d’espionnage et de politique. Une histoire pas vraiment complexe et ne jouant jamais avec les clichés (alors que Christopher McQuarrie le fait habituellement, comme en témoigne le premier Jack Reacher) à la fin de laquelle Tom Cruise sauve inévitablement le monde et qui use de sa promesse promotionnelle comme simple prétexte pour que d’autres agents et gouvernements se retournent une énième fois contre Ethan Hunt. Nous sommes donc bien loin de ce qu’on nous annonçait, d’où ma déception. Mais attention, je parle d’une déception de très faible ampleur ! Car hormis ce menu défaut, le script de Mission : Impossible 6 est quand même très bon.


Pour la première fois de la saga, Fallout se présente comme la suite directe de son prédécesseur, reprenant les éléments de ce dernier (et du reste de la franchise, par la même occasion). Ainsi, nous y retrouvons un Ethan Hunt confronté une nouvelle fois à Solomon Lane (toujours joué par Sean Harris), bien décidé à mettre le monde à feu et à sang et à « jouer, hanter » notre héros. Une Ilsa Faust (Rebecca Ferguson) devant mettre des bâtons dans les roues d’Ethan afin de retrouver la confiance de ses supérieurs suites aux événements de Rogue Nation. Et une Julia (Michelle Monaghan) qui effectue ici son grand retour (elle faisait juste une petite apparition dans Protocole Fantôme). Tout cela dans quel but ? Pour livrer un scénario plus intime et plus sombre que ce que la saga nous a offert jusque-là. Pour nous dresser le portrait d’un Ethan Hunt/Tom Cruise plus fragile et humain qu’auparavant. Une sorte de mise abyme non dissimulée du comédien, qui se reflète aisément à travers son personnage fatigué par les épreuves mais toujours prêt à continuer et ce malgré l’âge et la lassitude (le fait qu’on le critique à faire du cinéma d’action mais qu’il continue sur cette voie car, au final, c’est pour ça qu’on l’aime). Permettant de les hisser tous les deux au rang d’icônes du divertissement d’action, alors qu’ils étaient jusque-là cantonnés au statut de célébrités. Cela peut paraître anecdotique dans un tel film, mais venant de Christopher McQuarrie, qui cherche pour le coup à approfondir un protagoniste ayant toujours été vu comme un Superman que rien ne peut atteindre, cela apporte énormément d’ampleur à ce dernier. Et donc au film, effaçant au passage le sentiment de banalité et de déception qui se dégageaient à première vue du scénario.


Et à partir de ce postulat scénaristique, Christopher McQuarrie s’est permis de faire de Fallout un best-of de la saga toute entière, ne reprenant que le meilleur de celle-ci. Ainsi, nous y retrouvons la manipulation perverse digne de l’épisode de De Palma (l’introduction, réussie, rappelle fortement celle du premier). L’aspect fun et spectaculaire du 3 et du 4. La romance du 3. Le côté plus calme et intimiste du 5. L’humour qui caractérise la saga depuis le 3 (même si celui-ci est un chouïa en retrait dans cet opus, ce qui n’est pas déplaisant). Et même des séquences extrêmes faisant écho au 2 (Ethan Hunt escaladant une falaise au lieu d’un canyon, la poursuite en moto…). Sans toutefois oublier ce qui faisait le sel de la série télévisée, à savoir le suspense, la tension palpable et surtout l’esprit d’équipe, mettant en valeur les coéquipiers du héros (chose qu’avaient oublié le 2 et un peu le 3). Et surtout le générique, avec la mythique musique de la série. Bref, à prendre ici et là, le réalisateur est parvenu à nous livrer le meilleur opus de la saga, ni plus ni moins ! Par ce parti pris, mais également par son talent de metteur en scène, qui n’est décidément plus à prouver.


Car de la part d’un scénariste de métier (Usual Suspects, X-Men, Walkyrie, Mission : Impossible 4), il était difficile d’imaginer que le bonhomme deviendrait en un rien de temps un réalisateur à suivre absolument et ce par le biais de deux blockbusters « cruisesques » (Jack Reacher et Mission : Impossible – Rogue Nation). Un homme qui sait diriger ses comédiens comme il faut. Que ce soit des poids lourds sur le papier ingérables car trop imposants (Tom Cruise, Alec Baldwin) ou bien des noms connus qui n’ont jusque-là pas vraiment brillé (Henry Cavill s’amuse ici, bien loin de son jeu fade dans Man of Steel et consorts). Un véritable génie qui sait encore surprendre l’assistance par la maîtrise de sa mise en scène, offrant une ampleur à des séquences a priori secondaires : une introduction sombre et tendue, un corps-à-corps dans les WC digne d’un combat de titans, un flash-back plus complexe et profond qu’il n’y parait juste par le biais du son (pas de parole ni de bruitage, juste un ralenti accompagné d’une musique), des plans séquences spectaculaires (la descente en parachute en plein orage)… Et, chose importante, un grand amoureux du cinéma d’action à l’ancienne, qui ne se laisse pas tenter par la facilité (entendre par là abuser des effets spéciaux numériques). Avec le goût de Tom Cruise pour la cascade, McQuarrie est parvenu à livrer les séquences d’action les plus folles de la saga (avec la tour de Dubaï du 4, ce n’était pas gagné d’avance !) : une course-poursuite à 180 km/h dans les rues de Paris, Tom Cruise jouant les acrobates sur un hélicoptère en plein vol avant de le piloter, faire un saut en parachute chorégraphié, courir sur les toits de Londres au point de se blesser (l’accident de tournage qui a fait le tour du monde ces derniers mois)… En prônant le réalisme des cascades, allier à sa mise en scène pointilleuse, McQuarrie a fait de ce Mission : Impossible 6 le meilleur film de la saga (au risque de me répéter), mais également le divertissement d’action le plus crédible, spectaculaire et impressionnant de ces dernières années. Une véritable claque !


Et sur le coup, difficile de conclure quand tout a été dit dans les paragraphes précédents. Quand il faut arrêter de sortir des éloges au risque d’être un peu lourd. Je dirai juste que Mission : Impossible – Fallout est le blockbuster que j’attendais (voire même plus) et qui me fait dire que, même après 22 ans d’existence, j’attends encore que la saga nous gratifie d’une suite. Et pour que j’en arrive à ce point sans aucune lassitude, c’est que ce Fallout m’a diablement rappelé ce qu’est le cinéma d’action : un moment impressionnant à suivre, voire à vivre. Sans conteste l’un de mes films préférés de l’année 2018 !


Critique sur le site https://lecinedeseb.blogspot.com/2019/01/rattrapage-2018-mission-impossible.html

Créée

le 2 sept. 2018

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