« Aventure » ou documentaire ?

Un sujet d’une brulante actualité : l’immigration entre l’Afrique et l’Europe via la Méditerranée. Mais vue du côté émigré ce qui change du point de vue européano-centré désincarnant la perception de la situation réelle vécue « sur le terrain » par les migrants. Des images choc, des situations dépourvues d’humanité, des relations le plus souvent limitées aux rapports de force et à l’argent… Du déjà vu, du déjà connu dira-t-on mais dont le nouveau film de Matteo Garrone nous rappelle que cela se déroule à notre époque, à proximité et dans une indifférence certaine...

Le film n’est pas mauvais et même pourrait-on dire, bon. On prend intérêt à suivre le périple des deux adolescents sénégalais plongés dans l’enfer du trafic d’émigrés entre l’Afrique et l’Europe. Mais, certains procédés de réalisation, la narration même de l’œuvre qui nous est donnée à voir, conduit à une certaine distance vis à vis du récit lui-même. Pour dire plus simplement, l’émotion, la compassion, ne sont pas complètement au rendez vous et le déroulé de « l‘histoire » est, sommes toutes, prévisible (malheureusement devrait-on rajouter…). En outre, le film hésite entre soit un documentaire sur la brutalité des profiteurs de la « misère du monde », soit un film d’aventure dont on attend le dénouement, forcément « heureux », pour nos deux « héros ». Etant donné la nature du sujet, ce n’est pas vraiment un point positif concernant la manière dont il est traité. Des scènes sont même parfois incongrues avec des métaphores quelque peu déplacées.

Un sujet humainement sensible, d’actualité, mais en partie « mal-mené » car hésitant entre une dénonciation réaliste de certains agissements de notre époque troublée et la narration d’une « aventure » moderne. On est loin de l’univers de « Gomorra »…