Monsieur Link
6.6
Monsieur Link

Long-métrage d'animation de Chris Butler (2019)

Si le studio Laïka avait jusque-là livré au public des long-métrages maitrisés et forts sympathiques (Coraline, L’étrange pouvoir de Norman et Les Boxtrolls), ils avaient littéralement cassé la baraque en 2016 avec l’excellent Kubo et l’Armure Magique. Un film qui repoussait l’animation de la stop motion dans ses derniers retranchements pour livrer un spectacle comme rarement nous avons le droit de voir au cinéma. Un titre qui nous transportait dans son univers du japon médiéval, avec une ambiance aux petits oignons, des personnages travaillés et surtout un visuel tout bonnement impressionnant. Un spectacle aussi bien poétique que spectaculaire, dépassant de loin la majorité des films en animation numérique, c’est pour dire ! Et même s’il n’a pas eu la chance de trouver son public (seulement 73,6 millions de dollars au box-office mondial pour un budget de 60 millions), Kubo a su taper dans l’œil des spectateurs et critiques ayant eu la bonne idée de se lancer dans son visionnage. Si la critique du nouveau long-métrage du studio, Monsieur Link, commence de cette manière, c’est parce qu’il se présente comme la réponse à la question que tous se posaient : après avoir réalisé une telle réussite, que pouvait bien faire Laïka par la suite ? S’il était difficile de réitérer un tel exploit, il est quand même décevant de voir que son nouveau-né est bien inférieur en termes d’envergure.


À écouter le réalisateur et scénariste Chris Butler (L’étrange pouvoir de Norman, script de Kubo), le but avec ce Monsieur Link était d’offrir aux gens une aventure qui reprenait le style et l’ambiance d’un Jules Verne, mixé avec Indiana Jones. Autant dire que sur le papier, ce nouveau film d’animation était plutôt ambitieux. Et à voir comment commence l’ensemble (une scénette d’action rocambolesque avec le monstre du Loch Ness), autant dire que le pari était remporté d’avance. De part la qualité et la fluidité de l’animation – domaine dans lequel le studio n’a plus rien à prouver – mais surtout dans les références constantes à l’auteur de 20 000 Lieues sous les mers. Rien que le script réadapte sans se cacher la trame du Tour du monde en 80 jours, mettant en avant un éminent aventurier qui tente de prouver auprès d’un club fermé qu’il peut réussir un but jugé irréalisable (trouver le chaînon manquant plutôt que le tour de notre planète). Sans oublier l’époque à laquelle se passe l’histoire, celle même de ce cher Jules Verne. Et pour ce qui est d’Indiana Jones, il suffira d’un dénouement rappelant l’épisode du pont suspendu du Temple Maudit pour que la référence soit perceptible.


Nous parlions de l’animation en sous-entendant qu’il n’y avait rien d’autre à ajouter sur sa qualité, si ce n’est qu’elle est tout bonnement parfaite. Et agréable à regarder avec son panel de couleurs. Mais il est tout de même bon d’ajouter que depuis Kubo, les équipe du studio Laïka ont cherché d’autres méthodes, d’autres perfectionnements et utilisations de leurs marionnettes pour un rendu encore plus bluffant. Et sur Monsieur Link, via des têtes créées via une imprimante 3D et des figurines de taille réduite – par rapport à l’accoutumée – pour « agrandir » les décors, nous obtenons pour le coup un visuel toujours aussi bluffant. Bluffant car contrairement à ce que fait encore la concurrence britannique (le studio Aardman), l’animation image par image n’est quasiment plus repérable à l’œil nu, se rapprochant énormément de ce qui se fait de nos jours par ordinateur. Sans compter qu’avec les nouvelles méthodes citées plus haut, nous avons droit à des plans panoramiques (montagnes himalayennes, les forêts de l’Alaska, la traversée en mer…) qui respirent la grandeur et le spectaculaire. Et cela à partir de simples marionnettes, c’est pour dire !


Pourtant, malgré ces qualités, Monsieur Link n’impressionne guère… ou du moins pas autant que ce qu’il devrait faire. Car derrière ses ambitions scénaristiques et sa prouesse technique, le nouveau-né du studio déçoit par son manque d’envergure. Certes, le tout apporte une morale à nos chers bambins en ce qui est de fable écologique et d’acceptation de l’autre, mais se contente de bien peu pour amuser le jeune public. Comme un scénario qui préfère s’attarder sur un humour beaucoup trop enfantin et ses petites scénettes d’action plutôt qu’élaborer sa soi-disant richesse d’écriture. Ou encore un manque de maturité, qui empêche les adultes de se retrouver dans cette épopée aussi rythmée et anecdotique qu’un film d’animation de moindre renommée. Tel est donc le défaut de Monsieur Link : sa petitesse, qui le rapproche bien plus des Boxtrolls que de Coraline ou bien Kubo.


Déception donc pour le studio Laïka, ce dernier retombant dans la banalité après un Kubo des plus impressionnants et mémorables. Si l’idée, la sympathie et la technique sont là, l’envergure ne répond nullement présent. Le visionnage est divertissant, mais s’adresse avant toute chose aux plus jeunes plutôt qu’à tout le monde, réduisant ainsi l’impact de ce film d’animation. Pas sûr que l’on se souvienne de ce long-métrage par la suite… En espérant que cela ne soit qu’une mise en bouche à un projet de stature plus imposante, qui rappelle ce que de vrais artisans peuvent livrer avec la stop motion.


Critique sur le site --> https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/monsieur-link-film-chris-butler-critique-10009325/

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