Au Maldives, j’ai vu un pêcheur lutter avec sa canne à pêche et je voyais les autres pêcheurs qui se foutaient de leur malheureux camarade qui se battait avec sa prise, et je me suis dit que ce serait génial s'il pouvait s'agir d'une créature avec des tentacules.
C’est l’idée qui traverse l’esprit du jeune cinéaste Gareth Edwards et qui se met tout de suite à l’écriture d’un scénario. Le script original prévoyait trois histoires indépendantes qui se rejoindraient à la fin, Gareth Edwards explique que l'une évoquait un couple de routards à sac à dos, l'autre un soldat partant combattre des extra-terrestres, et la troisième une personne à la recherche d'un proche. Mais l’écriture est devenu trop difficile à gérer. Gareth Edwards a donc tout recentrer sur le gars et la fille, car c'était potentiellement plus commercial.
Une fois que le scénario est finalisé, Gareth Edwards obtiendra un budget très serré de environ 500.000$ et il fera lui-même la mise en scène, il occupera aussi les postes de directeur de la photographie, directeur des effets visuels et décorateur.
Gareth Edwards est paré à utiliser ses compétences qu’il a acquis en réalisant des documentaires pour le petit écran où il s’est formé sur les effets numériques. En 2008, il avait participé au Sci-Fi London 48 Hour Film Challenge où chacun des participants doit donc mettre en boîte un court-métrage de science-fiction en deux jours avec des éléments imposés. Factory Farmed va surprendre tout le monde en raison de sa qualité incroyable pour un métrage emballé en 48 heures. C'est en réalité grâce à ce film qu'il va avoir l'opportunité de réaliser son premier long-métrage. La maison de production anglaise Vertigo Films lui propose de faire un film à petit budget et Gareth Edwards saute sur l'occasion et offre de réaliser un film de science-fiction plutôt ambitieux et tiré d’une de ses idées originales.
Monsters sort en décembre 2010, remportera quelques distinctions dans les festivals et rapportera surtout un peu plus de 4.000.000$.
Après la chute d’une sonde de la NASA qui contenait des échantillons extraterrestres, le nord du Mexique a été déclaré « zone infectée », vidé de ses habitants et placé sous l’autorité de l’armée. Depuis six ans, les militaires tentent d’y maintenir confinés des monstres gigantesques aux allures de poulpes vaguement lovecraftiens (Gareth Edwards a élaboré les monstres en combinant des crustacés ou des céphalopodes du type de la pieuvre auquel il a ajouté de la bioluminescence). Un jeune photographe envoyé au Mexique est chargé de ramener la fille de son riche patron de presse de l’autre côté de la frontière. Ils devront traverser la zone infectée.
Posé ce postulat, on attend longtemps que le film veuille bien démarrer. Au bout de trois quarts d’heure pendant lesquels il ne se passe à peu près rien, il faut se rendre à l’évidence : ce qu’on regarde n’est ni un film d’horreur, ni un film d’action. Ce qui ressemblait à des scènes d’exposition constitue en réalité le cœur d’un récit qui se concentre presque exclusivement sur l’évolution des rapports entre ses deux personnages principaux.
Scoot McNairy a été choisi grâce à son rôle dans la comédie romantique In Search of a Midnight Kiss, voilà de quoi donner un indice sur son rôle dans ce film. Et comme il s’agit aussi d'une histoire de couple ici, le réalisateur a demandé à McNairy si sa compagne Whitney Able voulait bien jouer dans le film. Étant comédienne de profession, elle a été retenue pour le rôle.
Signer un film de monstres qui ne cherche pas à jouer sur les ressorts de la peur et du spectaculaire et qui préfère recourir à la suggestion et au hors-champ plutôt qu’aux habituels effets gore : a priori, on serait tenté de trouver ce choix courageux. Pourtant, c’est peu de dire que le parti pris minimaliste du film peine à convaincre, tant il semble moins le résultat d’une volonté affirmée que de contraintes purement économiques. L’équipe du film, très réduite, disposait en effet d’un budget plus que limité pour ce genre de projet et le producteur Allan Niblo se félicite assez de la réussite du film :
Le fait qu'une équipe de cinq personnes et un réalisateur aient pu tourner un film de monstre qui a été acheté presque partout dans le monde est hallucinant. C'est à la fois une histoire d'amour, un film d'horreur et un road-movie. Le tout avec un budget qui couvrirait à peine les frais de cantine d'une journée de tournage d'une production hollywoodienne moyenne. C'est une véritable libération par rapport aux conditions de tournage classiques, et une révolution qui, à mon avis, inspirera les étudiants de cinéma qui se demandent sans cesse comment rivaliser avec Hollywood. C'est un grand pas dans ce sens.
Cependant, en regardant le film, on ne pourra être que surpris d'apprendre que le film a été grandement improvisé. En effet, en dehors des deux acteurs principaux, les autres personnages sont interprétés par des gens croisés sur les lieux de tournage. Avec un vague scénario, l'équipe réduite va donc crapahuter et tourner chaque jour en fonction des rencontres et des opportunités tout en suivant un fil rouge. De retour en Grande Bretagne, Gareth Edwards se trouve face à une montagne de séquences toutes aussi différentes les unes que les autres, ce qui rend un peu ardu les choix de montage. Il ne retiendra que l'essentiel pour aboutir à un métrage d'une durée raisonnable. Mais le pire reste à venir puisqu'il lui faut encore confectionner tous les effets spéciaux numériques, que ce soit les avions, les retouches digitales ou encore, bien évidemment, la création des monstres qu'il doit incruster dans les prises de vues réelles. Si certains plans avec les créatures extra-terrestres ne sont pas des modèles de perfection, pratiquement tout le reste du film est assez bluffant.
Si Monsters s’avère antipathique à mes yeux, c’est à cause de sa volonté laborieuse de masquer la pauvreté de ses enjeux derrière un discours vaguement critique envers la politique extérieure des États-Unis. Qu’on ne s’y trompe pas : derrière ses métaphores politiques sur l’immigration, sur les méfaits de l’armée américaine, etc… Monsters témoigne de la même absence de vision du monde que les deux touristes propres sur eux qui tiennent lieu de héros.