Une première heure mitigée, avec un rythme qui démarre lentement et plusieurs situations incongrues de comique plus ou moins volontaire. Le fils est un neuneu tête à claque dont la bêtise est dure à cerner. Ce n'est pas un trisomique, mais il est foutrement incohérent et il m'a fallu un peu de temps pour trouver le personnage "réaliste" dans son imbécilité.

Petit à petit, ce ton curieux va se mélanger plus habilement à la tension. Le film déploie une esthétique triste très réussie, dans ce décor de petite ville morose au climat pluvieux. Des jeux d'ombres fréquents et plusieurs plans très larges magnifient ce spleen, tout en symbolisant la mère isolée dans sa mission.

La relation avec son fils prend du relief à l'aulne du passé, et le fiston lui-même va révéler plus de complexité qu'il n'y paraît lors de quelques moments subtils (son sentiment sur la question du toit, sa réaction face à la petite boîte d'aiguilles).
Le rythme n'accélère pas spécialement, mais le scénario opère des virages malins qui surprennent et installent le suspense qui manquait au départ. On passe de l'étrange qui rend perplexe à une originalité maîtrisée qui séduit, intrigue, et devient une force.

Finalement, la dernière scène symbolise assez bien cette atmosphère très spéciale, qui peut passer du chelou au sublime en une seconde:

[SPOILER]

La mère est dans le car, regard vague, avec ses propres démons. Dans l'allée centrale, des mamies s'amusent et dansent n'importe comment. A ce moment là je me dis "Mais pourquoi tu fais danser ces vieilles? Pourquoi tu les montres pas juste en train de parler et de rire? On aurait tout aussi bien perçu le décalage avec la mère, et tu nous aurais épargné cette danse idiote qui gâche la scène". Dans la foulée, la mère plante une aiguille sur le nerf des remords, se lève et se met à danser avec les autres, sauf que là c'est filmé de l'extérieur du car, caméra chancelante, soleil couchant qui filtre à travers les vitres, sur un air de guitare, et c'est juste parfait.

[FIN SPOILER]

Déroutant en somme. Singulier. Coréen.
VilCoyote
8
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le 20 août 2012

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VilCoyote

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