Et maintenant, Memories of Murder.

Épatant, c'est le mot. Ce film est épatant. La scène d'ouverture seule est déjà épatante, relativement simpliste mais pourtant tellement marquante, haussant le film au-delà de mes préjugés, au-delà de ce que j'attendais du film, au-delà de tout ce que j'espérais ou redoutais.

Bong Joon-Hoo y adresse un premier message : ici, tout est basculé. On n'assistera pas à un film modelé selon le carcan d'usage propre aux polars, relatant l'enquête policière dans une ambiance sombre et sordide ; Mother mêle au contraire l'intrigue meurtrière glauque à un certain humour potache... Et ce qui aurait pu mener au ridicule du long-métrage le place plutôt en marge des narrations classiques, voire le hisse au-delà de ces productions plus classiques.

Et cela est dû, en plus de la mise en scène astucieuse, au talent des acteurs. Won Bin et Kim Hye-Ja dégagent tour à tour les sentiments les plus naïfs et innocents, dans leur rôle de simplets désespérés. Le jeune et attardé Do-Joon se voit accusé du meurtre d'une adolescente, et dès lors sa mère, bien qu'en difficulté et joignant difficilement les deux bouts, s'engage pleinement et ardemment dans une lutte contre les autorités. Certes, résumé ainsi, le propos semble plein de bons sentiments, mais il n'en est rien. Au contraire, le cynisme de Bong Joon-Ho apparaît rapidement à l'écran, que ce soit par le comportement dédaigneux du seul ami de Do-Joon ou bien par les commentaires désabusés des policiers sur la scène de crime.

Et les scènes drôles et violentes se succèdent, à un rythme de plus en plus rapide. Le film, peu à peu, tend à aseptiser à la douleur présente à l'écran, jusqu'au final étourdissant, témoignant de la vanité du monde dans lequel on vit, de la vanité de cette société au double visage, pour laquelle les deux protagonistes se sont battus, dans un vœu de reconnaissance et d'acceptation, et de laquelle ils n'ont rien reçu en retour, si ce n'est un sentiment de désespoir plus profond encore.

Au final, il ne leur reste plus qu'à s'infliger la dernière piqûre, afin d'accéder au dernier soulagement. Se ruant vers une liberté illusoire qui semble comme la seule et dernière alternative, il ne reste plus qu'à oublier.
Pukhet
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le 1 juil. 2012

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