Henri de Toulouse-Lautrec était un enfant promis à un avenir certainement brillant malgré une grosse fragilité osseuse.Malheureusement pour lui, tombant dans l'escalier de la somptueuse demeure de ses parents, il restera infirme, un nain heureusement non dénué de talent.


Devenu adulte il monte à Paris et tente de vivre en noyant son mal-être dans l'alcool notamment au "Moulin Rouge" dont il deviendra un pilier des nuits tapageuses de l'établissement, constamment assis à SA table, proche des danseuses de "french-cancan" qu'il dessinera sans se lasser, parfois dans des postures fort osées pour l'époque.


C'est dans une histoire au cœur de la fête, contrastant avec la solitude permanente d'un être meurtri pour la vie, que je vais tenter de vous emmener. D'un côté le célèbre Moulin Rouge et ses nuits de feu, fondé en 1889 et de l'autre le client le plus insolite mais certainement le plus connu de l'établissement, Henri de Toulouse-Lautrec.


C'est en 1864 à Albi que vient au monde Henri. La famille est aristocrate par sa descendance et le petit garçon s'ébat avec les précautions qui s'imposent dans le parc verdoyant et assiste de loin aux chasses à courre. Au retour de l'une d'elle, au printemps 1878, en se précipitant pour accueillir son père, c'est la chute dans l'escalier monumental. Le drame commence, il n'a que quatorze ans.


Devenu adolescent il se rend à Paris. Montmartre l'attire au même titre que les ateliers de peintres célèbres. Les bordels omniprésents ne le rebutent pas non plus. Les femmes de petite vie, le cognac l'aident à calmer temporairement ses crises d'angoisse. Ses liaisons sont tapageuses et ne peuvent durer. Peut-être pourtant l'a t-on aimé sincèrement, nul ne le saura même pas lui.


Il va découvrir alors le célèbre "Moulin Rouge", ce grand bal coquin avec peut-être les plus belles filles de Paris, tellement gaies, déchaînées et peu farouches. La foule rit, danse, crie, boit. Les amoureux s'étreignent. Seul devant son éternel verre de cognac, Henri muni de feuilles de papier et d'un crayon croque les portraits de femmes, tous plus beaux les uns que les autres. Il fantasme durant la nuit sur ce qui l'entoure, notamment "La Goulue", danseuse et entraîneuse émérite, Jane Avril, et bien d'autres encore.


Les "flonflons" terminés, Paris va s'éveiller et les noctambules regagnent leur logis. C'est le moment où Henri, complexé, comme dégoûté de lui-même, rejoint lui aussi son appartement, souvent ivre, avec le poids de cette infirmité qui le harcèle. Il pense à son passé, à sa vie ratée malgré son talent et ses connaissances d'artistes célèbres qu'il a l'honneur de côtoyer. Et puis le soir suivant les ailes du Moulin se remettent à tourner. Inlassablement Henri va s'asseoir à sa table, inlassablement il va observer, fantasmer, boire et se nourrir de très brèves aventures qui ne vont pas arranger sa santé déjà bien fragile. Il va revoir les même personnes, les mêmes filles. Il les dessinera toujours d'une autre manière, son imagination est inépuisable dans ce lieu. Le retour sera toujours aussi lamentable, l'homme encore bien jeune est usé par les maladies et le désespoir.


Après avoir quitté ce Montmartre qu'il aimait tant, il va tenter de passer ses derniers temps en province et s'éteindra durant l'été 1901 toujours accompagné de son cognac et de ses souvenirs jouissifs ou douloureux.


Si j'insiste autant sur le personnage d' Henri de Toulouse-Lautrec c'est qu il représente un des symboles du "Moulin Rouge". Par son œuvre, par ses gravures libertines, il nous apporte le témoignage de ce quartier frivole, de ces talentueuses danseuses enjôleuses avec leur tenues emplies de couleurs bigarrées. Une nuit dans ce royaume de la danse était une incroyable fête pouvant aller jusqu'au "grand chahut" si bien décrit dans ce film de John Huston qui s'y était lancé à contre-emploi pour lui. Peut-être que le "Gai Paris", de Pigalle et de Montmartre où se côtoyaient les artistes, les fêtards et ce petit monde venu s'encanailler, électrisés par la musique de Jacques Offenbach notamment et le 'french-cancan", véritable bouquet final de ce bal l'avait-il séduit lui aussi ?


Toujours est-il qu'il nous propose une très honorable description d'un quartier qui a malheureusement bien changé mais également un très beau portrait de Henri en utilisant des flashbacks reflétant son douloureux passé et nous impliquant dans le vécu du personnage.


Pour interpréter ce rôle ingrat il fit appel à l'inoubliable José Ferrer qui par son talent et sa sensibilité nous relate de belle manière toutes les facettes de son personnage empli de complexité. Le comédien a dû jouer ce rôle en se déplaçant sur les genoux car Toulouse-Lautrec ne mesurait qu'un peu plus d' un mètre cinquante. Quel plaisir de revoir la très touchante Suzanne Flon dans le rôle de Myriam Hayam. Celle-ci fut certainement la seule femme à avoir aimé sincèrement Henri sans que celui-ci puisse croire à cette providence.


Je veux également citer Zsa Zsa Gabor , Jeanne Avril, Colette Marchand, Marie Charlet, et bien entendu Katherine Kath, "La Goulue", toutes des notoriétés de ce quartier, immortalisées par l'artiste infortuné.


Je conseille donc ce film adapté du roman de Pierre la. Mure. Il est prenant, mêlé de fêtes, de danses endiablées, de lumières, de couleurs, de gambettes et du désespoir d'un homme au talent immense.


Je ne peux terminer cette critique sans vous faire écouter cette chanson écrite pour ce film et si proche d'une inoubliable réalité.
https://www.youtube.com/watch?v=ocnP7rWwvPY


Box-office France: 4 081 691 entrées


Note: 8/10

Grard-Rocher
8
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le 26 mars 2019

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