Le peu prolixe Mike Leigh se fait souvent attendre. Lui qui clame sa difficulté, malgré sa notoriété, à financer ses films revient avec une reconstitution historique des dernières années de la vie du peintre romantique William Turner.


Rien de plus immobile qu'une peinture, rien de plus mobile qu'un peintre. William Turner, dans les vingt-cinq dernières années de sa vie ne cesse de se mouvoir. De l'arrière-salle de son atelier à l'exposition de la Royal Academy of Arts de Londres, jusqu'au bord de mer. Même lorsqu'il expose le peintre est en mouvement, allant (ce qui était coutumier des peintres à l'époque) jusqu'à donner un dernier coup de pinceau à ces toiles exposées. Mr Turner déambule dans les couloirs de l'académie, salue tout le monde, et revient transformer une vulgaire et fraiche tâche rouge de son tableau marin en bouée.
Mike Leigh filme davantage le peintre que la peinture. Lorsque Mr Turner est accroché à son mat, le contre-champs nous est pas dévoilé. Son habilité à ne jamais rester en place, même au plus près de la mort, témoigne de sa curiosité permanente sur le monde et les incessantes modernités technologiques de son époque, comme la photographie. Une invention dont le peintre ne s'inquiète guère, sachant pertinemment qu'elle ne remplacera jamais sa peinture, qui s'est déjà détachée du soucis de représentation du réel.
Turner est un précurseur de l'impressionnisme, dès le début du XIXe siècle. Son intérêt pour les peintures de batailles navales témoigne son envie de dépeindre le mouvement dont il est lui-même un grand adepte. Des navires sur une mer déchaînée, cet impression du mouvement sous une certaine nuance de lumière sont le sel des peintures de Turner qui ressemblent plus que jamais à son auteur. Et tel est le dernier film de Mike Leigh, le portrait d'un artiste en adéquation avec son œuvre.


Avec William Turner, Mr Leigh nous offre une minutieuse reconstitution et le beau portrait d'un artiste en fin de vie. La mise en scène, aussi élégante que les exigence de l’Académie, contraste avec le portrait grommelant du personnage, porté au sommet par le génial Timothy Spall.
JimAriz
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le 20 déc. 2014

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