Une interprétation psychanalytique du film/rêve

A supposer que que ce film soit la description d'un rêve, se pose la question de son interprétation. Je préviens donc les lecteurs que cette critique ne doit être lue que par des personnes qui ont déjà vu le film. Aussi cette critique n'intéressera que ceux qui aiment la psychanalyse, car elle n'est fondée que sur cette théorie.


En psychanalyse le rêve est donné par un patient et son interprétation dépend des associations d'idées de celui-ci. Donc l'interprétation d'un tel film reste hasardeuse, bien que ce film montre une telle cohérence logique que l'on peut s'essayer à l'interpréter.


Si c'est un rêve, quel est le rêveur? Première question importante car si l'on doit repérer dans le rêve les désirs et angoisses du rêveur, mieux vaut savoir qui a rêvé. La première scène évidemment est clé, c'est la scène la plus facile à oublier, elle n'a rien à voir avec le reste du film, elle contient donc une clé importante. Quand on la regarde de près, on voit trois couples qui dansent sur une musique d'une "autre génération". Puis la scène montre la fameuse Diane/Betty au milieu des deux personnages âgés qu'elle a rencontré au milieu du film à l'aéroport. Elle regarde vers le haut, heureuse, à la fin de la scène.


La danse représentant souvent la sexualité, la danse "d'une autre génération" doit certainement représenter la sexualité des parents, donc se pose une question d'identité pour le rêveur (qui suis-je?). Les deux personnages sont donc ses parents, elle regarde heureuse vers le haut comme une "actrice" acclamée par un public. Manifestement on retrouve ici le désir du rêve, le rêveur, et le point où on en est dans sa réalité (sa vie réelle).


Il semble donc que dans la réalité, le rêveur Diane/Betty, soit en passe de quitter ses parents pour tenter sa chance à Hollywood. Le désir du rêve est donc de devenir une actrice renommée, et la partie du film où elle emménage heureuse est la plus proche de sa vie réelle.


L'angoisse du rêve maintenant est un Oedipe archi classique, donc j'éviterai de rentrer dans tous les détails, mais peut se vérifier à chaque scène. Si elle arrive à Hollywood, elle doit quitter ses parents première angoisse, mais surtout c'est pour dépasser sa mère (devenir une star) deuxième angoisse. Or le dépassement de la mère est une sublimation de l'Oedipe (en faisant mieux que sa mère elle montre qu'elle aurait pu être aimée du père), du coup tout le complexe et son angoisse reviennent en force: tuer la mère, montrer que le père la préférait, essayer de libérer le père de ses "obligations conjugales" pour procéder à sa séduction, tout le classique de l'Oedipe en somme.


La deuxième partie du film ou le metteur en scène va épouser Camilla semble indiquer que celui-ci représente son père et Camilla représente sa mère (c'est bien le père et la mère qui sont liés par les liens du mariage n'est-ce pas?). Diane/Betty veut donc tuer sa mère (à chaque fois dans le film où Camilla se trouve en danger de mort, et c'est assez souvent) et rester avec son père (Oedipe on ne peut plus classique comme on l'a dit).


Je donne un exemple: "c'est la fille". Si Diane/Betty rêve que Camilla représente la mère et le metteur en scène le père, on voit que dans son rêve Diane ne se prive pas de montrer comment le choix du père pour la mère a été contraint (il n'a pas pu la choisir, elle a été imposée par une loi, une force supérieure, la loi de l'interdit de l'inceste manifestement). Le désir de Diane pour le metteur en scène ne fait aucun doute, c'est même le coup de foudre au moment où ils se voient (un moment important qui montre bien que Diane est animée aussi par des sentiments hétérosexuels).


Après Camilla peut aussi représenter une relation homosexuelle que Diane aurait eu, mais j'insiste, représente à mon avis aussi la mère qu'elle veut dans un premier temps éliminer, d'où une culpabilité évidente, et une violence qu'elle finit par retourner en désir homosexuel ("si je l'aime c'est que je ne veux pas la détruire", on est dans le très classique du refoulement de la violence par culpabilité) et aussi contre elle même (après s'être dédoublée en Betty donc elle reste toujours vivante dans le rêve pas de souci pour elle). De toutes façons un rêve lorsqu'il indique un désir inconscient (ici homosexual) ne peut a priori pas permettre de déterminer si ce désir a été réalisé dans le réel par le rêveur. A priori donc rien ne permet d'affirmer que Diane/Betty a ou a eu réellement une relation homosexuelle.


Y-a-t-il autre chose? Peut être oui, la couleur bleue représente l'inconscient bien sûr mais tout de même le bleu est source de beaucoup de morts violentes. Le bleu tue dans ce film un peu trop pour être honnête. Bref après c'est difficile d'en dire plus et puis ce n'est qu'un film. Et surtout la vision de cette critique est purement psychanalytique et ne tient pas compte évidemment des autres manières de voir le film.


Bien sûr on peut confirmer tout cela par une étude de chaque scène (la scène ou le metteur en scène est rejeté par sa femme par exemple confirme complètement cette interprétation), ou bien faire des hypothèses qu'on peut ensuite tester (la boite bleue par exemple représente-t-elle le sexe féminin ou un secret de famille (tueur) enfermé dans l'inconscient ?)


On reste tout de même étonné que le film ait a la fois une telle puissance onirique et une telle cohérence logique, ce qui me pousse à le considérer comme un chef d'oeuvre.

ChrisLaerte
10
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le 10 févr. 2020

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Chris Laerte

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