Mute
5.2
Mute

Film VOD (vidéo à la demande) de Duncan Jones (2018)

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Un retour à la SF beaucoup trop tape-à-l’œil pour Duncan Jones

Après un Warcraft que je ne me permettrai pas de dénigrer ici (pour la énième fois), autant dire que j’étais content que le réalisateur Duncan Jones revienne à la science-fiction. Avec deux titres bien sympathiques qu’avaient été Moon et Source Code, le bonhomme avait su démontrer qu’il n’était pas un fils à papa se reposant sur l’aura de son géniteur (David Bowie) mais bel et bien un cinéaste voulant faire ses preuves. Ayant de la matière à revendre en ne se servant que de son savoir-faire. Que le film sorte au cinéma ou soit diffusé sur Netflix (ce qui est ici le cas), peu importe : le résultat se devait d’être le même ! Mute faisait donc partie de mes attentes personnelles de cette année 2018. Celle qui se devait de redorer le blason de la plate-forme de streaming (récemment entachée par des mauvais films tels que Bright, The Open House ou encore The Cloverfield Paradox). Celle qui n’avait pas le droit de me décevoir et qui me permettrait de croire une nouvelle fois au talent de Duncan Jones. Je ne vais donc pas vous cacher plus longtemps que la douche a été plus que glaciale après le visionnage de ce long-métrage, tape-à-l’œil et sans intérêt.


Pourtant, sur le papier, Duncan Jones avait de quoi séduire avec Mute. Et pour cause, en situant son histoire, de style polar noir, dans une métropole sombre et étouffante (seulement illuminée par des néons et autres lumières flashies), il ne faisait aucun doute que le réalisateur avait pour ambition de nous livrer son Blade Runner. Même s’il était impensable qu’il parvienne au niveau de Ridley Scott et de Denis Villeneuve, le bonhomme avait suffisamment de capacités pour nous offrir un titre qui transpire la classe. Sur ce point, nous ne pouvons nier que Mute est esthétiquement réussi. Sans toutefois reprendre l’ambiance ténébreuse et asphyxiante d’un Blade Runner, le long-métrage dégage une aura pour le moins hypnotique avec ses nombreux jeux de lumière, ses musiques à la limite du trip auditif et ses plans contemplatifs. Du point de vue visuel, Mute est un véritable régal pour la rétine. Encore fallait-il qu’il y ait une raison à tout cela. Que le tout ne soit pas un artifice sans aucun lien avec le reste du film. Bref, que l’aspect science-fiction serve le propos évoqué dans le scénario. Comme le faisaient des titres comme Star Wars (voyages dans l’espace, peuples extra-terrestres, autres planètes…), Minority Report (technologies avancées) ou encore Blade Runner (cyborgs). Avec Mute, malheureusement, on se demande bien pourquoi…


Le film suit les mésaventures d’un barman muet, qui va partir à la recherche d'une fille mystérieusement disparue, dont il est follement amoureux. Et pour cela, il va devoir mettre à jour une sombre affaire dans laquelle elle semble impliquée et plonger dans les bas-fonds d’un Berlin corrompu par la mafia, les magouilles et la prostitution. Une intrigue à laquelle vient se greffer celle d’un soldat déserteur, vivant de travail au noir (chirurgien pour gangsters), qui cherche à obtenir de faux papiers pour rentrer aux Etats-Unis avec sa fille. Bref, le genre d’histoire mille fois vue que l’on aurait très bien pu trouver dans d’autres genres, se passant à des époques différentes. D’autant plus qu’ici, aucun élément SF n’a d’incidence sur celle-ci. On a beau avoir de la technologie (portables sophistiqués, voitures volantes, prothèses cybernétiques…) et une évocation du clonage (par le biais d’un clin d’œil dispensable à Moon), elle ne servent strictement à rien, sauf à meubler le quota d’accessoires du projet. À se demander pourquoi Duncan Jones s’est évertué à mettre en image ce cadre futuriste. À dépenser sans raison le budget de son film dans des inutilités de bas étage. Ce qui donne à Mute un aspect bien trop « m’as-tu-vu ? », trop tape-à-l’œil pour être véritable intéressant.


L’histoire en elle-même vient enfoncer le clou, car n’étant pas du tout à la hauteur des attentes. De la part de l’homme nous ayant livrer Moon et Source Code, nous étions franchement en droit de mériter une intrigue beaucoup plus complexe et surprenante que cela ! Comme cité dans le paragraphe précédent, le récit de Mute sent le déjà-vu à plein nez. Et ne fait nullement l’effort de sortir des sentiers battus. Que fait notre héros pour retrouver sa bien-aimée ? Des rencontres improbables avec mafieux et macros. Point ! Une intrigue minimaliste qui évoque certaines thématiques (le mustime, la religion…) pour les oublier en cours de route et qui se rallonge à outrance via le personnage du soldat déserteur, dont on a bien du mal à cerner l’intérêt. Si ce n’est exploiter une relation pour le moins étrange avec son ami (et évoquer sans explication apparente la pédophilie). Servir d’occasion à Duncan Jones pour rendre hommage à son père (décédé en 2016) via le sujet de la paternité. Mettre en place un twist final n’ayant finalement aucune ampleur car trop classique et donc prévisible. On ne retiendra que quelques protagonistes, bénéficiant d’interprètes savoureux (Alexander Skarsgård et Paul Rudd en tête), et certains moments plutôt touchants. Sinon, le reste du long-métrage n’est qu’une succession de situations banales pour un tel divertissement, qui prennent bien trop le temps de se dérouler,ne pouvant donc empêcher l’ennui de frapper à la porte.


Aucune envergure, aucune personnalité, aucune véritable raison d’être… Mute est sans conteste une très grande déception. Celle qui gâche son potentiel et surtout son univers, somme toute vain et inexistant. Juste une sorte de drame policier ne sortant jamais de l’ordinaire et se reposant beaucoup trop sur son visuel, pas du tout inintéressant mais ô combien artificiel. De la part d’un réalisateur qui s’était brillamment illustrer dans le genre de la science-fiction à ses débuts, c’en est navrant ! Surtout que, désormais, il n’est plus certain que l’engouement soit au rendez-vous pour son prochain projet, tant le bonhomme ne semble pas aussi doué qu’il en avait l’air. À démentir à l’avenir !

Créée

le 10 mars 2018

Critique lue 212 fois

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