Le britannique Richard Eyre fait appel à la bonté et à la sensibilité des spectateurs, dans une cour où la vie d’un enfant est en jeu. Après de longues années d’errance entre les productions de l’opéra et quelques tentatives d’amorcer une carrière riche en poésie, il hérite enfin d’un scénario poignant. Adapté du roman de Ian McEwan, le metteur en scène sublime son actrice vedette et saisi le cœur de ceux qui veulent bien s’intéresser à un cas relevant de la fois et de la raison. Le dilemme est sévèrement discutable et on en profite pour juger nos sentiments les plus profonds, si bien que l’on abandonne l’idée du facteur rigide de la justice.


Juge de la Haute Cour d’Angleterre, Fiona Maye (Emma Thompson) défile devant de nombreuses affaires dont l’issu réside dans les textes de loi, dans les droits civiques. Elle tranche avec aisance et assurance ses dossiers avec une objectivité remarquable. Cette force d’opposition et de proposition font de ce personnage un symbole féminin fort, où la sensibilité sera sa seule faille et deviendra la seule cicatrice apparente qu’elle veuille bien reconnaître. Elle aura beau être rigoureuse dans son travail, mais à domicile s’il est encore possible de l’appeler ainsi, elle n’entretient pas correctement la flamme conjugale. Son mari, Jack (Stanley Tucci), le souligne en permanence, reflétant ainsi les faiblesses de sa personnalité. Elle est dorénavant une femme d’âge mûr dont les passions sont limitées et dont les émotions sont réprimées par l’objectivité de son emploi qui la prive de liberté créative. Elle ne fait que suivre des procédures, comme elle suit des partitions. Ce n’est pas une façon de s’épanouir et on nous le fait comprendre dans une toute nouvelle complicité qui changera sa manière d’aborder les mœurs.


Témoin de Jéhovah dans l’âme, Adam Henry (Fionn Whitehead) est malade de la vie et de sa foi. Le sujet est durement introduit par des citations très radicales, mais qui entretienne un certain savoir, incompris par la population. Les valeurs de cette croyance ne font pas pour autant un objet d’étude approfondi, mais on s’en sert habilement pour nous diriger vers une rencontre qui brisera la conventionnalité. Comme une cerise sur le gâteau, le film apparaît comme un signe d’espoir sur les écrans, laissant entendre que l’on peut accomplir autre chose que des drames qui recyclent les thèmes de la dépression et des conflits internes que l’on transport en soi. Malheureusement, le récit peine à rendre intéressante la relation qui existe entre ces deux êtres d’exception. On fait l’impasse sur un brin d’émotion qui aurait pu aboutir sur un dénouement plus marquant. Le développement reste tout de même source d’inspiration et cela ne fera qu’alimenter nos interrogations quant à la structure d’une famille qui se déchire ou qui tente de se reconstruire.


Là où « My Lady » (The Children Act) réussit son tour de force, c’est dans la maîtrise de la subjectivité dans la mise en scène. On jongle sur les différents points de vue des personnages avec une telle subtilité que s’en est bluffant. Et quand bien même le scénario reste maigre en comparaison des moyens techniques employés, c’est bien sûr à l’intensité d’entrer en scène et de nous séduire par le biais de la tendresse et d’un amour inconditionnel pour chaque victime de cette dramaturgie. Et en plus de souligner un formidable portrait de la femme et du chaos qui la guette, le discours est sublimé par une proximité sincère entre l’enfant et l’adulte, deux conditions que tout oppose et qui se complètent.

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le 25 sept. 2022

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